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tradition ne nous renseigne ; mais il n’en est pas de même pour la blessure du côté, bien que saint Jean, le seul évangéliste qui en parle, n’ait rien spécifié à ce sujet. De bonne heure en effet, l’Eglise voulut voir, dans l’eau et le sang qui coulèrent de la blessure, l’eau du baptême et le sang de la communion et, dans l’interprétation symbolique qu’elle donna de la Passion, elle se plaça à droite de Jésus pour recevoir le précieux liquide tandis qu’elle laissait la place de gauche à la Synagogue moins favorisée. On peut donc assurer que, depuis saint François jusqu’à nos jours, les stigmatisés ont vu Jésus porter à droite son coup de lance dans toutes les représentations picturales de la Passion et dans tous les crucifix ; dès lors, c’est une question de savoir pourquoi nous trouvons parmi eux, à côté de quelques « droitiers » fidèles à la tradition, un nombre très considérable de « gauchers » qui s’en écartent. Saint François par exemple est droitier, et l’on peut citer avec lui, parmi les droitiers célèbres, Marguerite Colonna[1], Angèle de la Paix et Catherine Emmerich[2]. Mais Véronique Giuliani est une stigmatisée de gauche comme Catherine de Ricci, Catherine de Sienne, Jeanne de Jésus-Marie, Passidée de Sienne[3], Louise Lateau, Madeleine X… et bien d’autres qu’on pourrait nommer. D’où vient que tant de stigmatisés n’ont pas tenu compte d’une tradition consacrée, sur un point qui devait leur paraître capital ?

Quelques-uns d’entre eux ont été marqués à gauche parce qu’ils ont substitué mentalement l’idée du cœur à l’idée du flanc ; c’est dans l’organe de leur amour qu’ils ont reçu le stigmate et Jésus lui-même leur est apparu comme frappé au cœur malgré les tableaux, les crucifix et la tradition qui plaçait sa blessure à droite. « Jésus, dit Véronique, mit la baguette de flamme sur son cœur et la pointe de la lance dans le mien[4]. » De même Catherine de Raconisio voit dans une extase saint Pierre lui prendre le cœur, le présenter à Jésus qui le purifie de toute souillure et le remettre à sa place ; elle ressent une grande douleur et pendant longtemps la peau reste enflée et douloureuse dans toute la région du cœur[5] ; c’est également de leur cœur

  1. 1284.
  2. † 1774-1824.
  3. 1564-1615.
  4. Op. cit., p. 156.
  5. Diario Dominicano, Marchese Sept, p. 27.