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et non de leur côté que parlent d’autres mystiques qui, comme Véronique et Catherine de Raconisio ont été blessés à gauche ; mais cette explication ne vaut pas pour la majorité des stigmatisés de gauche qui se sont bien représenté, dans leurs extases, Jésus blessé au flanc droit et non au cœur. Ils l’ont vu crucifié, le côté droit percé et saignant, et pourtant c’est à gauche, un peu au-dessous du cœur ou sur le cœur, qu’ils ont reçu le coup de lance.

Pourquoi ont-ils ainsi transposé sa blessure, en y participant ? Très manifestement parce que, placés en face d’un crucifix, d’une peinture de la Passion ou d’une représentation mentale de Jésus crucifié, ils devaient recevoir à gauche les rayons, les flammes, les lances de feu qui s’échappaient en ligne droite de sa plaie. Voilà pourquoi Jeanne de Jésus-Marie a été blessée à gauche, bien qu’elle ait vu des rayons ardens partir du côté droit de Jésus, ou plutôt parce qu’elle les a vus partir du côté droit, et l’on pourrait donner une explication analogue pour la plupart des stigmatisées de gauche que nous avons citées.

D’ailleurs, lorsque les stigmatisés de gauche sont amenés à s’interroger sur cette anomalie, c’est à la même explication qu’ils arrivent, et rien n’est plus précis sur ce point que les détails donnés par Catherine de Sienne à Raymond de Capoue, son directeur. « J’ai vu, — dit-elle, — des rayons sanglans sortir des plaies sacrées de Jésus et percer mes pieds, mes mains et mon cœur ; alors je m’écriai : O Seigneur mon Dieu, je vous en supplie, que mes cicatrices ne paraissent point au dehors, — et aussitôt la couleur sanglante se changea en la couleur de l’or et cinq rayons de lumière percèrent mes mains, mes pieds et mon cœur. » Raymond de Capoue lui demande alors : « Il n’y a donc pas eu de rayon sur votre côté droit ? — Non, réplique-t-elle, mais bien sur le côté gauche, directement sur le cœur, parce que le trait lumineux et resplendissant qui sortait du côté de mon Sauveur tombait sur moi en ligne droite[1]. »

Catherine de Ricci, qui fut également blessée à gauche, ne nous a pas laissé sur la scène de sa stigmatisation des renseignemens aussi précieux ; mais nous savons par tous ses historiens que, dans sa longue extase de la Passion, elle reproduisait exactement par imitation ce qu’elle voyait faire à l’image de

  1. Vie de sainte Catherine de Sienne, par Chavin de Mallan, p. 217.