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l’Empereur, qui m’a fait appeler au moment où je fermais ma lettre, a bien voulu me demander de rester encore un jour ici. Nous avons causé longuement de vous. Ah ! si vous vouliez, quels services vous pourriez rendre (21 octobre 1869) ! »

Une seconde lettre le lendemain précisa davantage la pensée à laquelle obéissait Duvernois : « Je vous écris de nouveau, car ma lettre d’hier écrite à bâtons rompus vous donnerait une idée insuffisante de la situation. C’était au début une lettre purement amicale, de ma seule inspiration. Après avoir causé de nouveau avec l’Empereur et d’une façon très précise, j’ai ajouté un post-scriptum à la hâte. Voici donc la situation : Le Cabinet, tel qu’il est, ne durera pas jusqu’à la session ; il ne sera pas remplacé par un ministère tiers-parti et M. Rouher rentrera triomphalement, si vous ne venez pas au secours. Voilà la réalité. De même que le 19 janvier a avorté parce que vous n’avez pas pris le pouvoir, le 12 juillet avortera pour le même motif, et nous irons aux aventures. Réfléchissez à tout cela : croyez qu’il dépend de votre réponse que l’Empereur vous fasse appeler. Ne posez pas d’autre condition que celle d’être mandé, et comptez sur votre influence personnelle sur l’Empereur pour obtenir ce qu’il y aura à obtenir, mais quand vous serez dans son cabinet de travail et pas avant. Vous aurez comme concessions ce que vous n’auriez pas comme conditions. »

Malgré ce que ces lettres avaient de pressant et de spécieux, je ne me laissai pas ébranler, et maintins les conditions que j’avais indiquées à Chasseloup-Laubat.


V

Les deux influences diverses qui essayaient, d’agir sur mes déterminations s’ignoraient. Elles ne se révélèrent l’une à l’autre que le jeudi soir 21 octobre. A Compiègne, Chasseloup, de plus en plus inquiet des difficultés du moment, comprenant que par correspondance il n’obtiendrait rien de moi, confiait à Duvernois qu’il allait demander à l’Empereur de m’envoyer Kratz avec mission de m’offrir le ministère de la Justice. Duvernois lui raconta qu’il agissait dans le même sens, et qu’à la suite de conversations avec l’Empereur, il m’avait déjà écrit et attendait ma réponse. Il trouva bon qu’on m’envoyât quelqu’un qui me dirait ce