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qu’il soit acquis que l’ensemble des contribuables raisonnables a reconnu la nécessité de l’impôt et a sanctionné la nature, le mode et le taux des taxes.

Or, ce consentement, dans nos sociétés établies sur la base du suffrage universel, ne peut être considéré comme acquis que quand l’impôt est uniforme et proportionnel au revenu des contribuables ou à leur avoir. Les membres des assemblées électives, les anciens ordres ayant été supprimés, représentent, en effet, le plus grand nombre des citoyens, et ce n’est que par une fiction qu’ils sont censés en représenter la totalité ; s’ils l’ont entre les citoyens des catégories, s’ils déchargent les unes et surchargent les autres, s’ils obéissent aux passions ou aux préventions des catégories les plus nombreuses pour arracher des contributions particulièrement lourdes aux catégories les moins nombreuses, s’ils s’inspirent plus ou moins de l’idée de la lutte des classes, il est clair qu’alors les membres des assemblées électives ne peuvent prétendre être les représentans et les mandataires des catégories les moins nombreuses de citoyens qu’ils sacrifient et sur lesquels ils s’acharnent. L’impôt qui frappe exceptionnellement ces catégories les moins nombreuses et dont ont été déchargées les catégories les plus nombreuses a été voté, dans ce cas, par des gens sans mandat en ce qui concerne les premières et qui, par conséquent, ne pouvaient lier celles-ci. L’impôt est alors illégitime ; il n’a pas été consenti par le contribuable ; il n’est pas dû.

Ce principe fondamental est d’une évidente vérité. Il en découle que, dans les pays à assemblées sortant du suffrage universel, l’impôt en équité et en droit doit être strictement proportionnel ; l’impôt progressif sous ce régime ne peut être qu’un abus, une extorsion. Dans les contrées comme l’Angleterre, les pays allemands, l’Autriche, qui possèdent une seconde Chambre, soit héréditaire, soit nommée à vie par le souverain et recrutée dans les classes aisées et opulentes de la nation, si cette Chambre donne son consentement à des impôts progressifs, on peut arguer que, dans une certaine mesure du moins, ils ont été approuvés par les représentans de toutes les catégories de citoyens. Dans les pays où une Chambre haute, ayant cette composition et cette origine, ne se trouve pas, cette allégation ne peut se soutenir ; l’impôt spécial ou à un taux spécial qui frappe uniquement les catégories aisées ou opulentes de citoyens est alors