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petite et moyenne propriété comme la France ; cet impôt nouveau frapperait, indépendamment de la valeur locative du sol, les bénéfices présumés de l’exploitant, que celui-ci soit un fermier ou un propriétaire faisant valoir. On exempte bien tous les bénéfices de cette nature qui n’excèdent pas 1 250 francs ; il faut noter, toutefois, qu’il ne s’agit pas, en ce qui concerne cette exemption, des bénéfices réalisés en argent, mais tout aussi bien de ce que l’exploitant tire de la terre pour son propre en Indien et celui de sa famille, denrées alimentaires, bois de chauffage, etc. Désespérant d’arriver directement à la constatation de ces bénéfices agricoles, le projet de loi admet un forfait : les bénéfices de l’exploitant seront considérés comme égaux au revenu net du sol, c’est-à-dire à sa valeur locative ou à la rente de la terre. Or, cette supposition est manifestement inexacte. Les Anglais qui, dans leur l’Icome tax, ont une cédule sur les bénéfices agricoles, évaluent ceux-ci sur la base de la moitié du fermage ; pourquoi en France, pays de culture moins perfectionnée, prendrait-on pour base le fermage entier ? Si l’on consulte la dernière grande enquête agricole, celle de, 1892, on y voit (pages 440 et 441) que le loyer de la terre en France est évalué à 2 368 millions de francs ; le capital d’exploitation (animaux, matériel, semences) est estimé à 8 017 millions, donnant lieu à un rendement de 400 millions au taux de 5 p. 100 d’intérêts ; si l’on en porte la rémunération à 10 pour 100, ce qui parait largement suffisant, sinon exagéré, les bénéfices de l’exploitation agricole en France monteraient à 800 millions de francs, soit le tiers environ de la rente de la terre. On voit combien on est loin de l’évaluation du projet de loi. Comment se fait-il que, dans l’expérience de Rochy-Condé, on ait complètement laissé de côté cet impôt nouveau sur les bénéfices agricoles ? Dans le cas de métayage, l’impôt sur les bénéfices agricoles rencontrera des difficultés inextricables, et le projet de loi se Rome à cette mention : « En ce qui concerne les terres exploitées à portion de fruits, il est ouvert dans le rôle des articles au nom collectif du propriétaire et de l’exploitant. » Si le législateur, par la substitution des combinaisons compliquées du projet de loi au régime actuel des impôts sur la terre, se flatte de se concilier les classes rurales, il s’attirera les plus grands mécomptes.

Ces mêmes mécomptes, il les trouvera aussi dans la nouvelle taxation des bénéfices industriels, commerciaux et professionnels.