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Le régime actuel des taxes sur ces catégories de revenus peut avoir divers inconvéniens, mais il a le grand mérite de ne faire aucune part à l’arbitraire et à l’inquisition. Tout autre serait le régime nouveau : on supprime tous les indices d’après lesquels la taxe est aujourd’hui établie, et on laisse le champ absolument libre à la fantaisie des commissions de taxation. Or, comment sont composées ces commissions ? Du percepteur, agent technique, du maire et de quatre personnes désignées par le préfet. Ainsi, c’est la politique qui déterminera la cote que l’on devra payer ; le préfet, chacun le sait, est par-dessus tout un agent politique auquel on demande de faire triompher dans les élections le parti gouvernemental ; le maire est souvent aussi un homme de parti ; les infortunés contribuables seront livrés, pieds et poings liés, à des politiciens ; il y aura, suivant un classement qui lit beaucoup de bruit il y a deux ou trois ans, le côté de Corinthe, c’est-à-dire, de ceux du « bon parti, » et le côté de Carthage, ceux du « mauvais parti ; » on abaissera la cote des Corinthiens, on élèvera celle des Carthaginois. Les imposables seront tenus, si on les en requiert, de fournir par écrit tous les renseignemens de nature à faire connaître les conditions matérielles d’exercice de leur profession ; mais rien ne dit dans le projet que la Commission soit obligée de requérir ces renseignemens ; il lui est loisible de taxer « au jugé, » comme on dit, d’après la « commune renommée, » comme on dit encore. « Dans le cas de réclamation contentieuse (article 37), les réclamans sont tenus de justifier leurs prétentions par la présentation d’actes authentiques, de livres de commerce régulièrement tenus ou de tous autres documens susceptibles du faire preuve. » Ainsi, l’on aboutit quasi fatalement à la communication des livres. Notons à ce sujet que, à Rochy-Condé, un contrôleur déchira courageusement et ingénieusement à la Commission des réformes fiscales que cette communication des livres qui offre beaucoup d’inconvéniens pour certains contribuables peut n’offrir que des bases très inexactes pour l’assiette de l’impôt ; prenant le cas d’un meunier d’une petite commune de son district, qui traitait 80 sacs de blé par jour, il lui suffirait, disait-il, de porter sur ses livres l’achat de ces sacs régulièrement à 0 fr. 50 au-dessous du prix réel, ce que permettent les fluctuations des marchés, pour réduire de 12 000 francs par an son bénéfice apparent. Le projet d’assiette de l’impôt sur les industriels et les