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formellement, par l’article 23 du traité, que des réformes devaient être réalisées dans les provinces européennes de l’Empire ottoman. Promettre des réformes par traité, c’est s’engager à en assurer l’exécution. Les populations macédoniennes, qui s’étaient, réjouies de leur affranchissement pendant les quelques mois qui séparent l’acte de Berlin de celui de San Stefano, se crurent le droit d’interpréter ainsi la politique de l’Europe ; et quand, en 1885, par un coup d’Etat facilement exécuté, sans verser le sang, les Bulgares de Roumélie purent déchirer, en ce qui les concernait, le traité de Berlin et s’unir à la Principauté, les chrétiens de Macédoine furent, en vérité, fondés à espérer qu’ils n’auraient pas plus de peine à faire triompher leurs propres revendications. Ils résolurent de s’y préparer. Ainsi, à l’origine de tous les troubles qui ont ensanglanté la Macédoine, on doit, nettement et tout d’abord, établir la responsabilité de l’Europe.

Mais, entre le cas des habitans chrétiens de la Macédoine et celui des populations antérieurement séparées de l’Empire ottoman, il faut, dès maintenant, marquer une différence considérable. Les Grecs, les Serbes, les Bulgares, lorsqu’il fut question de leur affranchissement, constituaient des groupes compacts, cohérens, consciens de leur commune origine et de leur solidarité nationale. Lorsque le territoire qui constitue actuellement la Grèce, la Serbie ou la Bulgarie leur fut attribué, nul ne songeait à leur en disputer la propriété ; les Turcs n’y régnaient que par droit de conquête, ils ne s’y étaient pas implantés, et, à peu d’exceptions près, tous les chrétiens de chacun des trois groupes se reconnaissaient frères d’une même race et d’un même sang. La Grèce, la Serbie, la Bulgarie, n’englobèrent pas tous les territoires peuplés de Grecs, de Serbes ou de Bulgares ; mais, du moins, tous les territoires qu’ils englobèrent étaient réellement, sauf exceptions insignifiantes, peuplés de Grecs, de Serbes et de Bulgares. En Roumélie orientale, l’opération parut déjà plus compliquée. La protestation et les droits des minorités grecque et turque servirent de prétexte au Congrès de Berlin pour refuser la réunion de cette province à la principauté bulgare. Personne cependant ne contestait sérieusement que la grande majorité de la population ne fût bulgare, et les événemens de 4885 prouvèrent qu’il en était bien réellement ainsi.

Il en va tout autrement pour la Macédoine. Elle n’est pas