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les Grecs réclamèrent un accroissement de territoire, et il ne fallut rien moins, pour apaiser leurs clameurs, qu’un blocus européen. Ainsi, partout et toujours, les Slaves, dans leur essor, ont trouvé devant eux la malveillance sournoise et jalouse de l’hellénisme. « L’idée » que les Grecs opposent au nombre et à la force slave, est, en elle-même, très respectable, mais une idée n’a pas le droit de s’imposer ; plus elle cherche à entraver le progrès des nationalités, plus elle l’accélère. Combien les Grecs auraient été mieux inspirés s’ils avaient accepté de bon gré ce qu’ils étaient impuissans à empêcher ! S’ils avaient fait de l’Église patriarchiste l’instrument de l’émancipation et du progrès de toutes les populations chrétiennes, sans distinction de race, au lieu d’en faire un instrument d’oppression aux mains d’une oligarchie étroite, elle aurait pu rester la plus haute autorité morale de l’Orient. L’hellénisme serait devenu la plus brillante expression d’une civilisation qui n’aurait pas manqué de prendre sur les Slaves un ascendant et une influence dont l’occasion perdue ne se retrouvera jamais plus. Les Grecs, aujourd’hui, s’étonnent et s’irritent des revendications slaves. Ne devraient-ils pas plutôt s’émerveiller qu’après avoir, durant des siècles, disposé seuls des forces qui pétrissent l’âme des peuples : — l’église, l’école, la richesse, — après avoir tout fait pour étouffer le sentiment national chez les Bulgares, ils n’aient pu les empocher de se retrouver intacts, plus vivaces que jamais, avec leur langue, leurs traditions, leur nationalité ? Le piteux résultat de la tactique des Grecs n’est-il pas la meilleure preuve de l’inanité de leurs prétentions et de la vitalité indestructible de ces Slaves qu’ils s’obstinent à traiter en « barbares ? »

Après la guerre de 1878, le premier exarque bulgare ayant été interné en Asie Mineure, son siège échut au prélat éminent qui l’occupe aujourd’hui, Mgr Joseph. Il sortait alors des écoles de Paris, il était jeune, actif, passionnément dévoué à la cause nationale ; il entreprit de renouer les liens que le traité de. Berlin avait rompus entre les trois fractions du peuple bulgare et de faire de l’exarchat le foyer de la nationalité bulgare. La guerre avait détruit ce qui subsistait de l’organisation religieuse et scolaire bulgares. Mgr Joseph se donna pour tâche de réorganiser les écoles et d’obtenir du gouvernement ottoman des « bérats » d’investiture pour installer de nouveaux titulaires sur les sièges épiscopaux bulgares de la Macédoine. Le gouvernement de Sofia