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combinait son action avec celle de l’exarque ; mal vu à Saint-Pétersbourg, il cherchait à se rapprocher de la Porte et de la Triple-Alliance. Cette politique, qui caractérisa le gouvernement de Stamboulof, donna d’heureux résultats : à partir de 1882, le gouvernement ottoman consentit à ce que les écoles bulgares fussent soustraites à la juridiction des évêques patriarchistes pour passer directement sous son propre contrôle. Telle avait été la tyrannie des Grecs que les Bulgares regardèrent comme une délivrance de passer sous l’autorité directe des Turcs ! Partout des écoles s’ouvrirent et préparèrent l’unification intellectuelle de tous les Bulgares. En même temps se dessinait l’organisation de l’Eglise. En 1883, la Porte admit formellement que la résidence de l’exarque bulgare est Constantinople et lui reconnut le droit de nommer des évêques aux sièges vacans depuis la guerre ; en 1891, elle accorda enfin les bérats d’investiture pour Uskub et Ochrida, en 1894 pour Vêles (Köprilu) et Nevrokop et, en 1897, pour les diocèses de Pélagonia (Monastir), de Dèbre (Dibra) et de Stroumitza. L’exarque espérait ainsi, avec le temps, obtenir la résurrection des quinze anciens évêchés de Macédoine et de Thrace, créer un synode bulgare reconnu par l’autorité ottomane, multiplier les écoles et les collèges. La nation bulgare tout entière aurait enfin sa vie autonome ; elle serait ecclésiastiquement unifiée et elle pourrait attendre le jour rêvé, dont elle avait cru voir luire l’aurore à San Stéfano, d’une Grande Bulgarie où entreraient tous les Bulgares.

L’exarchat travaillait à longue échéance. « Je creusais un puits avec mon ongle, » disait un jour Sa Béatitude. L’impatience des populations n’attendit pas que la méthode pût donner tous ses fruits. Les Turcs, dans la pratique, rendaient vaines les quelques concessions de principe qui, souvent, ne leur étaient arrachées que par l’intervention de puissantes influences extérieures. A mesure que grandissait et que s’organisait la nationalité bulgare, l’arbitraire des fonctionnaires et des beys ottomans se faisait plus tyrannique, plus odieux ; la condition des chrétiens, au lieu de s’améliorer, comme l’avaient promis les puissances par l’article 23 du traité de Berlin, devenait de moins en moins tolérable. Le Sultan, loin de leur accorder les mêmes droits qu’à ses autres sujets, en dépit de l’égalité tant de fois proclamée depuis la charte de Gul-hané, les excluait en pratique des fonctions publiques ; les autorités les empêchaient de