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distance qui sépare les Roumains de Turquie de ceux du Danube, est, à elle seule, une garantie suffisante que les deux rameaux ne chercheront pas à se rejoindre autrement que par la communauté de la langue et de la civilisation. Ce que veulent les Roumains du royaume, c’est, quoi qu’il arrive en Macédoine, que les droits de leur nation soient reconnus et respectés. L’année dernière, grâce aux efforts persévérans du très distingué, diplomate qui représentait à Constantinople le gouvernement du roi Carol, la personnalité nationale des Valaques de Turquie a été officiellement reconnue. La diplomatie roumaine demande aujourd’hui à la Porte d’user de son autorité pour obliger le patriarche grec à concéder aux Valaques de Macédoine le droit qu’ont obtenu les Serbes d’avoir des évêques et des prêtres de leur race et une liturgie dans leur langue. Ainsi sera constituée la nation roumaine de Turquie. Les Grecs prétendent que le chiffre de ceux qu’ils appellent les Koutzo-Valaques n’atteint pas dix mille ; les statistiques bulgares, serbes ou turques en comptent soixante-dix mille ; en réalité, si tous les Valaques de la Turquie d’Europe étaient rentrés au bercail national, ils seraient plus de sept cent mille, et si l’on y ajoutait ceux qui vivent en Grèce et en Roumélie, ils dépasseraient un million d’hommes[1]. La réapparition, sur la scène de l’histoire, de ces descendans des anciens Latins de Macédoine ne sera pas l’un des moins surprenans miracles du siècle îles nationalités.


VI

A peine peut-on dire que l’on trouve, chez les Albanais, trace d’une conscience nationale. Ils ne forment pas un peuple, ils sont un agrégat de tribus passionnément attachées à leur indépendance et à leurs coutumes particularistes : jamais ils n’ont supporté aucun joug, si ce n’est, pendant un court intervalle, et on sait après quelles luttes, la tyrannie d’Ali de Tebelen. Leur régime social est patriarcal et féodal, mais chaque individu, son fusil à la main et la montagne à sa porte, se sent libre et ne connaît ni loi, ni chef. La majorité des Albanais sont musulmans, mais au Nord, les Mirdites sont catholiques romains, tandis qu’au Sud, certains dans Tosques sont grecs orthodoxes. Trois

  1. Nicolas Papahagi, les Roumains de Turquie, Bucarest, 1905.