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liberté pour régler nos anciens différends au mieux de nos intérêts actuels. Nous n’avons pas fait autre chose. Cependant, l’Allemagne semble en avoir éprouvé une susceptibilité mêlée de quelque préoccupation. Pourquoi a-t-elle vu d’un œil calme notre alliance avec la Russie, et regarde-t-elle d’un œil qui l’est moins notre entente avec l’Angleterre ? Est-ce parce qu’elle ne se sent pas les mêmes moyens d’action à Londres qu’à Saint-Pétersbourg ? Trouve-t-elle un motif de préoccupation dans le rapprochement plus ou moins intime d’un si grand nombre de puissances dont l’une, l’Italie, fait partie de son propre système politique ? Aucune de ces craintes n’est fondée, et nous ne croyons pas que le gouvernement impérial les éprouve ; mais l’opinion allemande en est frappée, et elle a besoin d’être rassurée.

Nous voudrions ne mêler à ces observations aucune personne souveraine : il faudrait toutefois fermer les yeux et se boucher les oreilles pour ne pas comprendre que la principale inquiétude de l’Allemagne vient de l’activité infiniment habile du roi Édouard VII. Le roi Édouard a beaucoup développé les amitiés de l’Angleterre sur le continent européen, ce qui est de sa part très naturel et très légitime ; mais rien ne permet de lui attribuer d’autres vues que celles qu’il découvre très loyalement. Néanmoins, l’opinion allemande suit tous ses pas avec une attention anxieuse et fiévreuse, et il y a quelques jours, lorsque après avoir rendu visite au roi d’Espagne à Carthagène, il a rendu visite au roi d’Italie à Gaëte, une sorte de tressaillement s’est produit dans tout l’Empire. Le ton de la presse a pris un caractère surélevé ; les mots d’isolement, d’enserrement, d’encerclement ont retenti de nouveau avec un surcroît de nervosité. Avouons-le, et cela sans la moindre critique, si le reste de l’Europe avait toujours été aussi impressionnable, les voyages de l’empereur Guillaume auraient pu lui causer plus d’une fois des impressions non moins troublantes. Lorsque, par exemple, Guillaume, est allé en pleine nuit, à Bjerkoe, rendre visite à l’empereur Nicolas, nous aurions pu ressentir une secousse tout aussi vive que celle dont l’Allemagne vient d’être agitée. Mais les voyages de souverains ont rarement l’importance initiale qu’on leur prête, et encore moins les conséquences ultérieures qu’on en attend : le sang-froid et le temps arrangent bien des choses. Quoi qu’il en soit, l’opinion allemande a été émue, et comme le Reichstag a repris sa session quelques jours après la visite de Gaëte, comme des interpellations nombreuses avaient été annoncées, comme une question précise, celle de savoir quelle serait l’attitude de l’Allemagne à la conférence de La Haye devait être posée,