Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/532

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE
MINISTÈRE DU 2 JANVIER 1870


I

L’Empereur était rentré à Paris le 21 novembre, le jour des élections, en vue de l’émeute que sa police lui annonçait toujours. Le lendemain du scrutin, il me fit dire de venir le voir. Je ne le trouvai ni ému, ni irrité, ni soucieux ; il paraissait mieux portant, souriant : « Eh bien ! me dit-il, nous n’avons pas pu nous arranger ; c’était votre première impression ; il vaut mieux qu’il en ait été ainsi. Il est impossible de tolérer plus longtemps le dévergondage des journaux, et ce n’est pas à mon nouveau ministère à remettre en vigueur les lois sur la presse ; la chose doit être faite quand il arrivera. » Il me parla ensuite de la nomination de Rochefort, sans colère, avec compassion pour ceux « qui se confiaient à de pareils hommes. » Du reste ses sentimens pour les classes populaires n’en étaient pas altérés. Il me dit encore : « Je ne veux pour ministres que des hommes qui aiment le peuple ; j’ai eu le malheur de commencer par la vieille rue de Poitiers ; je ne voudrai pas finir par la jeune. » Au lendemain du soufflet que venait de lui donner le peuple de Paris, une telle sérénité n’est-elle pas digne d’admiration ? Il me pria de venir le voir désormais sans précautions, chaque fois que je le désirerais.

Je reçus bientôt après le billet suivant de Conti : « L’Empereur a pensé qu’à la veille d’entrer aux affaires il était bon de vous y préparer par une connaissance approfondie du travail