semaines précédentes ; au contraire, je n’avais pris jamais aucun engagement, même moral, vis-à-vis de Buffet, et, si cet engagement eût existé, il aurait été rompu depuis que Buffet avait consenti à couvrir de son autorité les mesquineries du Centre Gauche. De plus, je craignais, par une exclusion trop systématique des anciens serviteurs de l’Empire, de mécontenter le Centre Droit, ma véritable armée. Je priai donc d’abord Magne et Chasseloup de m’accorder leur concours et de conserver les ministères dont ils étaient les titulaires. Je n’eus pas à m’occuper des portefeuilles de la Guerre et de la Marine. J’aurais voulu y placer le général Trochu et l’amiral Jurien de la Gravière. L’Empereur exigea le maintien du général Le Bœuf et de l’amiral Rigault de Genouilly, officiers de sa confiance, parce qu’il entendait demeurer le maître responsable des affaires militaires.
Quel ministère prendrais-je moi-même ? Girardin me conseillait les Affaires étrangères, l’Empereur m’en détournait. « Je tiens à vous garder longtemps, me dit-il, et aux Affaires étrangères, il faut changer souvent. » Je ne pensais pas ainsi : c’est aux Affaires étrangères surtout qu’il est utile de maintenir longtemps le même ministre. Mais d’autres considérations me déterminèrent. Ma volonté dominante était de me placer au poste où se trouveraient les difficultés les plus graves et les plus instantes. Or, je ne croyais pas qu’elles fussent à l’extérieur. Convaincu que notre politique pacifique de non-intervention partout nous assurait la tranquillité, je croyais sage de me consacrer aux affaires intérieures, où tout était en ébullition. Un peuple occupé à s’arranger est condamné à l’immobilité. Plus tard, l’œuvre libérale terminée, j’aurais pris la direction de la politique extérieure et essayé de l’établir sur des principes sérieux en accord avec nos nouvelles institutions. Jusque-là, il me paraissait suffisant de mettre aux Affaires étrangères un homme prudent, de belles manières, sachant parader avec les ambassadeurs, et leur offrant bien à dîner. Le ministère de l’Intérieur ne me convenait pas davantage, parce que, là aussi, j’eusse été absorbé par des détails spéciaux et d’interminables audiences. Je choisis le ministère de la Justice dont le personnel et la spécialité m’étaient si familiers, que je pourrais les conduire sans peine. J’y joignis les Cultes à cause du Concile. Je donnai l’Intérieur à Chevandier de Valdrome, mon allié fidèle qui avait été avec moi le véritable directeur de la campagne des 116 et l’organisateur de la