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et sachez ce que l’on peut attendre des princes de Hohenzollern. » Il ne donna pas de lettre d’introduction, voulant que l’entreprise ne prît pas un caractère officiel et restât une affaire d’initiative privée. Salazar partit donc à tout hasard. Il fallait de l’argent pour entreprendre ce long voyage, et il était dépourvu de toute fortune : le fonds des reptiles de Bismarck y pourvut. Il put se mettre en route.

La première difficulté était d’aborder les princes. Elle ne l’embarrassa guère. Il s’adressa au ministre prussien à Munich, Werthern, qu’il avait connu en Espagne. Ce ministre cependant n’aurait pas consenti à prendre sur lui d’être son introducteur, s’il n’y avait été autorisé par Bismarck. Au château de Weinbourg, se trouvaient alors réunis les deux fils du prince Antoine, Charles, prince de Roumanie et Léopold, prince héréditaire, avec sa femme, princesse de Portugal. Charles arrivait de Vienne, où sa réception par François-Joseph avait justement bien marqué comment étaient considérés en Europe les membres de sa famille. « Pour montrer qu’il voit dans le prince le parent de la maison-royale de Prusse, l’Empereur a ceint le grand cordon de l’ordre de l’Aigle noir, ce qu’il fait pour la première fois depuis 1866[1]. » Werthern demanda et obtint une audience pour Salazar. Le prince Antoine le reçut d’abord avec son fils Charles sur la Rhein-Promenade. Salazar exposa que son peuple avait les yeux fixés sur le prince de Roumanie et que c’est ce qui lui avait donné le courage d’entreprendre sa mission difficile. Charles écarta l’insinuation : « Le sentiment qu’il a de ses devoirs ne lui permet pas d’échanger la modeste principauté qui lui est échue, même contre la couronne d’Espagne[2] ! » Le messager se retourna alors vers Léopold. Il le vit le même jour avec sa femme. Ce prince, bien qu’il sentît peu d’inclination à accueillir l’offre, ne la repoussa pas, mais fit dépendre son assentiment de différentes conditions, et avant tout, d’une élection à l’unanimité qui ne laisserait à combattre aucune candidature opposée ; ensuite l’assurance qu’il ne serait engagé dans aucune combinaison politique au détriment du Portugal, à cause des liens de parenté qui l’attachent à la famille royale de ce pays[3].

  1. Mémoires du prince Ch. de Hohenzollern, 30 août-11 septembre 1869.
  2. Mémoires du prince Charles de Roumanie, 7/19 septembre.
  3. Tous les incidens significatifs du complot Hohenzollern sont notes avec une précision qui ne permet pas le démenti dans un écrit publié en allemand et en français sous le titre de Notes sur la vie du roi Charles de Roumanie. Ces notes d’une vaillante loyauté démentent la plupart des mensonges des historiens allemands. C’est pourquoi nos historiens dans leurs récits, plus prussiens que ceux des Allemands, n’en ont tenu aucun compte. J’en excepte un homme qui unit, à un noble cœur, une One et perspicace intelligence, le baron Jehan de Witte, qui a su, dans un écrit intitulé : Quinze ans d’histoire, lire, comprendre et mettre en lumière tous les renseignemens contenus dans les intéressantes révélations du prince de Roumanie.