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Allemagne. D’abord, c’est un terrain sur lequel je ne puis me passer de vous, puisque je ne sais pas (allemand ; secondement, j’avoue que nos travaux sur ce point ne m’ont pas encore fourni de lumières qui me satisfassent, du moins, de cette espèce de lumière que je cherche et qui consiste surtout à montrer ce qui est nouveau dans des systèmes moraux, ce qui s’écarte des données du christianisme. Il me semble que Kant va plutôt au-delà qu’en deçà du christianisme. Les auteurs plus modernes que lui ont-ils sur ce point une physionomie différente ? Veuillez, je vous prie, vous attacher à bien mettre en relief ce côté du sujet. Quant aux auteurs français, j’hésite un peu à vous prier de vous en occuper, car de tous les documens dont j’ai besoin, ce sont eux qui me sont déjà le plus connus et que je trouve plus facilement sous ma main.

Ce qui me serait le plus utile, ce serait de rechercher non plus les principes nouveaux, mais les applications diverses de ces principes dans les institutions, principalement dans celles des peuples étrangers, car c’est ce qu’il m’est le plus difficile de connaître. Je prendrai pour exemple vos propres idées.

Vous dites avec raison qu’un des traits caractéristiques de nos opinions morales, c’est de ne s’attacher qu’aux œuvres, indépendamment de la croyance. Cela se manifeste dans les lois modernes qui ont donné les mêmes droits, imposé les mêmes devoirs et traité de la même manière les hommes de toutes les sectes chrétiennes. Cela s’est étendu en France jusqu’aux juifs. Les législations étrangères, les ouvrages de droit étranger doivent contenir des traces moins visibles, mais encore très sensibles, de ce même esprit.

Vous dites que l’aumône de privée est devenue sociale ; qu’elle a été plus désintéressée, plus éclairée. Je crois cela en partie ; quoique je ne tire pas du même fait les mêmes conséquences et que j’y voie plutôt la doctrine chrétienne d’une époque très civilisée, très administrative, très démocratique, qu’un système nouveau. Les signes qui démontrent cette tendance, ce sont les ressources amassées par les pouvoirs publics pour venir régulièrement, administrativement au secours des différentes misères, le perfectionnement en un mot de toutes les institutions charitables du christianisme. C’est la charité légale directe. Tout ce qui peut avoir été fait dans ce sens en Allemagne surtout devrait être recueilli avec grand soin.