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Il y a la charité légale indirecte qui consiste à fournir aux pauvres des moyens faciles de se tirer eux-mêmes du besoin. Ce sont les caisses d’épargne, les salles d’asile et d’autres institutions du même genre. Toutes les combinaisons administratives de cette espèce à l’étranger sont pour moi des faits capitaux.

Les efforts faits par les gouvernemens pour répandre l’instruction, l’obligation sociale qu’ils se sont imposée de la répandre ; en conséquence les règlemens, les lois qui ont pour objet de multiplier les écoles, d’en faciliter les abords, d’y donner une instruction d’une nature plus démocratique, les ouvrages qui ont eu pour objet d’éclairer et de pousser les gouvernemens dans cette voie, rentrent particulièrement dans notre sujet.

Je ne vous parle pas des prisons, ni du droit pénal, je crois sur ce point pouvoir me passer de tout secours.

Vous dites que c’est une maxime de notre temps que tout le monde a un droit égal au travail (ce qui, pour le dire en passant, ne relève pas plus l’idée du travail que la doctrine chrétienne que tout homme quel qu’il soit est condamné dans un genre ou dans un autre au travail). Quels sont les livres modernes français ou étrangers qui ont formulé cette doctrine ? Dans quelle législation a-t-on fait effort pour assurer à chaque homme l’exercice de ce droit ?

Je pourrais vous en dire encore bien long sur ce sujet. Mais cela est inutile quant à présent puisque vous n’avez pas fini vos analyses de philosophes. Quand vous en serez sorti, et je vous prie de vous hâter autant que possible, nous reprendrons ce côté pratique du sujet. Lors même que vous ne pourriez pas y entrer dans un grand détail, ce serait déjà beaucoup faire pour moi que de recueillir des notions sur ce qui existe en ce genre et sur les sources où il faudra puiser plus tard.

Je finis cette interminable lettre en vous priant de croire à mon bien sincère attachement.

ALEXIS DE TOCQUEVILLE.


Vous êtes, mon cher monsieur de Gobineau, un très aimable, très spirituel et très peu orthodoxe discuteur, avec lequel je ne veux point continuer la guerre. Le propre de toutes les disputes philosophiques est de laisser chacun des philosophes précisément dans les opinions qu’il avait auparavant. Cela étant, il vaut bien mieux ne pas disputer puisque ainsi on arrive au