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l’examen de la Sublime-Porte qui, avant de promulguer les actes destinés à les mettre en vigueur, prendra l’avis de la coin mission européenne instituée pour la Roumélie orientale.


Ce texte, solennellement délibéré en congrès et approuvé par toutes les puissances, a créé, pour les provinces de la Turquie d’Europe un droit, pour le gouvernement turc une obligation stricte, pour l’Europe un devoir. Strictement appliqué, il comportait l’égalité de toutes les religions, une liberté municipale complète et un amoindrissement considérable de l’autorité des fonctionnaires ottomans. On put croire qu’une régénération radicale de l’administration des provinces européennes de l’empire ottoman en sortirait, quand on vit la Sublime-Porte élaborer elle-même un long projet de loi et le soumettre, selon les termes du traité de Berlin, à l’examen de la commission européenne de la Roumélie orientale dont les membres l’approuvaient et le signaient le 23 août 1880. C’est le projet connu sous le titre de Loi des vilayets de la Turquie d’Europe qui concède à tous les sujets du Sultan, sans distinction de religion ou de nationalité, les garanties les plus étendues au point de vue du statut personnel, de l’administration, de la justice, du culte, de l’instruction, etc. Si la Porte prenait elle-même l’initiative d’un si beau projet, au lieu d’exécuter à la lettre l’article qui lui prescrivait de « nommer des commissions spéciales » pour étudier l’application du traité, c’est qu’elle comptait bien que l’Europe ne tarderait guère à se désintéresser des réformes. Les délégués des puissances à la commission chargée d’examiner et d’amender le projet ottoman finissent leur rapport par ces mois : « Les bonnes lois n’ont jamais fait défaut à la Turquie, mais leur application a été ordinairement insuffisante. En terminant, les soussignés recommandent leur œuvre à la protection des puissances. » Touchante et vaine recommandation dont les signataires eux-mêmes n’ont pas dû se promettre de grands effets ! La Loi des vilayets, dans son ensemble, n’est jamais entrée dans la pratique ; abandonnée au bon vouloir des fonctionnaires ottomans, elle ne fut naturellement pas appliquée. Pendant la crise de 1895-1896, le gouvernement bulgare, informé que les ambassadeurs discutaient un projet de réformes à introduire dans les vilayets d’Arménie, demanda et obtint, grâce à l’appui des cabinets de Saint-Pétersbourg et de Paris, un décret du 22 avril 1896 stipulant une série de réformes pour les vilayets de la Turquie d’Europe. « On peut se demander,