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un personnage sérieux dont la parole eût quelque valeur. Il ne cessait, en effet, de multiplier les déclarations amicales à notre égard. Il avait dit récemment aux délégations : « En Orient, la France est actuellement pour nous, il faut le reconnaître, une excellente amie. Ferions-nous bien de nous l’aliéner quand nous avons besoin d’elle ? Dans le cours de ces dernières années, elle nous a donné des preuves répétées de sa sympathie ; elle nous a secondés en divers lieux et dans plusieurs questions. Nous n’avons pas recherché son concours. Parmi les grands gouvernemens, les bons offices s’offrent et ne se demandent pas. En France, on a maintenant des sympathies sincères pour tous les peuples de l’Autriche-Hongrie, qu’ils soient Allemands, Magyars ou Slaves, parce qu’ils appartiennent à l’Autriche. L’Autriche-Hongrie se trouve dans une importante phase de régénération. Nous ne connaissons pas d’autre politique que de donner une chaude poignée de main à ceux qui accompagnent de leurs sympathies cette transformation : une main froide ne peut se rencontrer avec la nôtre. »

A la suite d’une visite de courtoisie qu’il fit à la reine Augusta à Bade, d’une rencontre avec Gortchakof à Ouchy, de la halte du Kronprinz à Vienne en se rendant à l’inauguration du Canal de Suez, à laquelle avait répondu la visite d’un archiduc à Berlin, les rapports entre l’Autriche, la Prusse et la Russie s’étaient détendus et les récriminations violentes qui s’échangeaient dans la presse des trois pays s’étaient arrêtées. Néanmoins cette pacification de procédés ne paraissait pas avoir diminué la prédilection dont la France était l’objet à Vienne. François-Joseph, comme Beust, exprima à Constantinople, au déplaisir d’Ignatief et à l’étonnement de Bourée, le prix que l’Autriche attachait à l’intimité de ses rapports avec nous et à une entente en tout et pour tout. Ceci eût-il été parfaitement sérieux, et ce ne l’était, dans une certaine mesure, que de la part de François-Joseph, l’amitié effective de l’Autriche ne nous était nullement garantie, car la politique de l’empire austro-hongrois dépendait du ministre hongrois Andrassy plus que de Beust et de François-Joseph.

Andrassy avait montré un moment de mauvaise humeur contre la Prusse, tant que Bismarck parut seconder les ambitions roumaines en Transylvanie. Depuis que le chancelier prussien avait exigé le renvoi de Bratiano, le ministre hongrois s’était rapproché et était devenu partisan d’une bonne entente avec la