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brisé l’ardeur des délégués. A présent, comme alors, on n’aperçoit pas de commune mesure permettant d’évaluer, pour la « stabiliser, » la force militaire des États. cette force est la résultante d’une infinité d’élémens variables : situation géographique., forme du territoire, valeur et nombre des places fortes, prix de revient des armes, des munitions, des vivres, richesse du pays, nombre des habitans. Si l’on considère les budgets des puissances, où trouver une règle ? Serait-ce en établissant une proportion fixe entre le chiffre total d’un budget national et le chiffre du budget de la guerre ? Mais comment s’assurer que la proportion déclarée serait sincère ? Comment tenir compte, d’autre part, de la solidarité des différens budgets ? Il y a, en effet, des budgets civils qui ont une action directe sur la situation militaire, par exemple le budget des travaux publics ou celui du commerce. Enfin, quel contrôle instituer ? Le jurisconsulte anglais Lawrence, avec un bel optimisme, proposait naguère une commission internationale composée de représentans des puissances secondaires et des puissances neutres. Se figure-t-on ce que serait cette commission entrant partout voyant tout, pénétrant, dans chaque pays, les secrets de la défense nationale ? et où serait la sanction dont on pourrait l’armer ? A côté de ces objections générales, comment méconnaître les innombrables difficultés de détail, — difficulté de définir les troupes coloniales par rapport aux troupes métropolitaines, difficulté de distinguer les dépenses d’armement inscrites au budget extraordinaire des dépenses d’entretien inscrites au budget ordinaire, difficulté de fixer un type de canon ou de fusil pour une durée déterminée, difficulté de concilier cette fixation avec les droits des parlemens et la souveraineté des États ?

On ne peut donc nier qu’en disant publiquement que la discussion de ce problème lui semblait prématurée, inutile, voire dangereuse, le prince de Bülow n’ait dit la vérité ; et comme en politique la franchise ne va pas sans courage, on ne peut que rendre, hommage au courage dont a fait preuve le chancelier de l’Empire d’Allemagne. Il a dit ce que tout le monde pense et ce que, pour la clarté de la situation, tout le monde devrait dire. Si respectueux qu’on soit pour la généreuse illusion de sir Henry Campbell Bannerman, comment méconnaître les probabilités, disons mieux, les certitudes du lendemain ? Cette illusion comporte en effet deux risques, l’un politique, l’autre militaire. Le