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corneilles, beaucoup moins hardies, attendent patiemment que le troupeau ait quitté les dunes.

Veut-on savoir de quelle façon le monde des bêtes s’est, peu à peu, accoutumé à tirer profit de l’institution des chemins de fer ? Le premier accueil qu’il lui a fait semble bien avoir été, en général, très défavorable. Aux États-Unis, longtemps les buffles ont attaqué les trains de la grande ligne transcontinentale ; aux Indes, nombre d’éléphans ont engagé de véritables duels avec des locomotives en marche. Mais à présent, dans le monde entier, une heureuse résignation a succédé à ces premières luttes. A l’île Maurice, il s’est même trouvé une race de singes qui, tout de suite, ont compris l’avantage que pouvait leur offrir l’invention nouvelle. Pendant près d’un mois, ces singes, s’étant rendu compte de la régularité des heures de trains, ont guetté le passage de ceux-ci, et, par un ingénieux stratagème, ont réussi à lancer sur le rebord de la voie, — pour venir l’y reprendre dès l’instant d’après, — une partie des ballots de canne à sucre empilés dans les wagons. Au Canada, personne ne connaît mieux l’horaire des trains de voyageurs que les loups, qui, trois fois par jour, aux heures des repas, viennent s’installer des deux côtés de la voie, et attendre les restes de déjeuners ou de dîners que les voyageurs ont coutume de jeter par la fenêtre. Et la même chose arrive, tous les jours, sur les lignes anglaises, où les heures des repas sont guettées, suivant les endroits, par des faisans, ou des renards, ou simplement des moineaux. Les gares de Londres, tous les matins, sont envahies d’une foule innombrable de rats, qui savent que les paysans ont coutume de déjeuner dans les trains qui les amènent en ville, et que des miettes de ces repas sont ensuite balayées par les employés. Sur la ligne du Great Western, une troupe de renards viennent invariablement, à la fin de chaque nuit, ramasser les oiseaux qui se sont tués, durant la nuit, en se heurtant aux fils du télégraphe. Quant aux chiens, beaucoup d’entre eux se prennent d’une véritable passion pour la promenade en chemin de fer : on en connaît, sur les lignes anglaises, qui, malgré la vigilance des employés, parviennent à passer toutes leurs journées en voyage, se cachant dans un recoin de fourgon ou sous une banquette. Mais il résulte de plusieurs observations de Cornish, que, pour accoutumés qu’ils soient à la marche d’un train, ni le chien ni aucun autre animal n’ont encore su mesurer exactement la vitesse de ces trains ; et nous voyons au contraire que les oiseaux, très vite, ont appris à la mesurer avec une sûreté infaillible. Pendant la période des débuts, sans cesse on trouvait des perdrix, des grouses,