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oiseau de la grosseur de nos merles, et remarquable par la manière dont il construit son nid en argile, pour le faire cuire et durcir ensuite par la chaleur du soleil. Un de mes amis a vu l’un de ces poéliers, avec une nichée toute fraîche de petits, assaillir un chat, lui voler droit au visage, le piquer et le griffer, et revenir deux fois encore à l’assaut, et enfin repousser le chat dans les buissons voisins ; et mon ami a observé que le chat, depuis lors, évitait soigneusement l’approche de cet oiseau, d’une espèce que, sans doute, il n’avait point prévue.


À ces exemples du « courage » des animaux succèdent, dans le livre de Cornish, des exemples de leur « bonté. » Il est vrai que, en général, l’intelligence des bêtes n’est pas suffisamment affinée pour leur permettre d’étendre leur bonté naturelle à d’autres races que la leur, — sauf cependant à celle de leurs maîtres les hommes. Seul, peut-être, un oiseau appelé le « rhinocéros » éprouve un généreux sentiment de reconnaissance pour les antilopes et les buffles dont la toison lui fournit à manger toute sorte d’insectes : car il veille sur eux avec une activité et un zèle surprenans, toujours prêt à les prévenir du moindre danger. Mais, à l’intérieur d’une même espèce, quels trésors de sympathie et de véritable bonté ! « Quand une loutre est prise au piège, toutes les loutres du voisinage viennent, jusqu’au matin, lui tenir compagnie, et ne cessent point de courir autour de leur frère. Les chats, les renards, les belettes, ne manquent jamais à venir visiter les cadavres de leurs morts. Un jour, un moineau s’étant pris dans une trappe, j’ai vu tous les moineaux de la région accourir vers lui, et s’asseoir en foule sur les haies ; les cloches à melons, les hangars et autres bâtimens de la cour, parfois pépiant entre eux comme s’ils discutaient la situation, ou bien jetant de tristes regards sur le piège, où, d’ailleurs, leur parent captif était invisible. Le lendemain, ce fut un rouge-gorge qui fut pris : mais la chose ne parut avoir pour les moineaux aucun intérêt… Chez les animaux domestiques, cet altruisme s’efface très vite, ou bien se reporte sur l’homme ; mais parfois quelques vestiges s’en découvrent encore. C’est ainsi que j’ai vu un cochon essayant d’en aider un autre, d’une autre famille, à sortir d’une clôture en palissade où la pauvre bête s’était stupidement engagée. Attiré par les cris du malheureux, qui était encore très jeune, et tout petit, le cochon plus âgé arriva précipitamment, prit dans sa gueule la tête de son confrère, et s’efforça de la tirer à lui, d’ailleurs avec plus de bonne volonté que d’intelligence : car, sûrement, il aurait arraché la tête du petit cochon si je n’étais point survenu. »

Malheureusement, comme vient de nous le dire Cornish, ce