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d’un intérêt très pressant de la collectivité nationale. Le contraste était trop frappant pour ne pas agir sur des imaginations déjà violemment émues. Dans tous les carrefours, dans tous les cafés, sur toutes les bannières portant des inscriptions, les députés étaient hués ; on les sommait de faire pour leurs commettans ce qu’ils avaient fait pour eux-mêmes, sans se préoccuper de savoir si le problème d’aujourd’hui n’est pas singulièrement plus compliqué que celui d’hier. Les députés s’étant fait des rentes, on leur demandera bientôt, on leur demande déjà d’en faire à tous les Français qui n’en ont pas, aux ouvriers, aux vignerons, à d’autres encore. Quelle prise n’ont-ils pas donnée à la médisance ! Les Méridionaux n’ont pas tort de rappeler la rapidité sournoise avec laquelle l’affaire a été menée sans que personne en ait été averti, sans qu’aucune voix ait pu se lever à temps pour protester. Nos députés sont destinés à entendre souvent cette antienne ; mais qui les en plaindra ?

Nous ne sommes qu’au lendemain de la manifestation de Montpellier, et c’est à peine si le Midi commence à entrer dans l’action. Où conduira-t-elle ? Il y a sûrement un grand danger à remuer des masses aussi nombreuses pour les conduire à une déception au moins partielle. Le Midi a essayé d’entraîner les pouvoirs publics par l’intimidation : il n’y a pas réussi. Le gouvernement a déposé un projet de loi discutable, mais raisonnable : c’est assez dire qu’il ne donne pas satisfaction aux exigences qu’on prétendait lui imposer. Quant à la Chambre, elle n’a commencé la discussion sur la crise que le 7 juin, et elle la poursuit prudemment, c’est-à-dire lentement. Les choses en sont là. Nous racontons la quinzaine passée et non pas la quinzaine future ; nous n’avons à faire aucune prophétie, et nous cherchons à nous rassurer avec la fine observation de La Bruyère : « Quand le peuple est en mouvement, dit-il, on ne comprend pas par où le calme peut y rentrer ; et quand il est paisible, on ne voit pas par où le calme peut en sortir. » Cependant le calme rentre comme il sort, lorsque le moment en est venu ; mais il ne vient quelquefois qu’après de dures épreuves. Aux embarras au milieu desquels se débat le gouvernement, il est à craindre que le Midi n’en ajoute bientôt un nouveau, qui ne sera pas le moindre.


Et il ne faut pas grand’chose pour faire perdre à notre gouvernement le peu de volonté qu’il a. On l’a vu lorsqu’une question lui a été posée au sujet de la libération anticipée de la classe de 1903, libération qui a été une conséquence logique de la loi sur le service de