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deux ans. Les lois de ce genre ont toujours quelque effet rétroactif non pas en droit, mais en fait : on ne manque pas de dire que, le législateur ayant jugé deux années suffisantes pour faire un soldat, il convient de libérer au bout de deux ans les hommes qui, incorporés sous l’empire de l’ancienne loi, devaient servir pendant trois. La seule question est de savoir à quelle date précise le renvoi de la classe aura lieu. Le gouvernement seul, semble-t-il, est à même de prendre une décision à ce sujet, parce que seul il est à même de savoir à quel moment la classe peut être libérée sans inconvénient pour son instruction et surtout pour la sécurité nationale. On comprend qu’il puisse être interrogé sur ses intentions, mais non pas qu’on exerce sur lui une pression, et encore moins qu’on lui impose une injonction. C’est pourtant ce qui est arrivé, et nous n’oserions pas dire que la Chambre ait été seule coupable en cela. Sans doute elle a montré une impatience fiévreuse de voir renvoyer dans leurs foyers, d’abord la classe de 1903 et plus tard celle de 1904 ; il y a eu là pour elle, surtout auprès de ses électeurs ruraux, une recherche de popularité qu’il faut condamner comme dangereuse, mais prévoir comme naturelle ; c’est au gouvernement qu’il appartient d’énoncer, de défendre et de faire prévaloir l’intérêt supérieur et permanent du pays. Mais le gouvernement n’en a rien fait. Il a paru hésiter lui-même entre plusieurs dates sans se fixer définitivement à aucune, donnant ainsi, à l’égard des exigences parlementaires, un exemple de faiblesse qui fait mal augurer pour l’avenir de l’application de la loi sur le service de deux ans.

Le gouvernement s’est arrêté d’abord, ou a paru s’arrêter, pour la libération de la classe de 1903, à la date du 17 juillet : aussitôt des motions diverses ont été préparées pour lui enjoindre de choisir de préférence le 12 juillet, ou même des dates plus rapprochées. On a fait circuler dans les couloirs une lettre que M. le ministre de la Guerre avait eu l’imprudence d’écrire à un député, lettre dans laquelle il se montrait hésitant entre plusieurs dates. Le débat devait donc s’ouvrir dans d’assez mauvaises conditions. Cependant, le bruit avait couru qu’après avoir adopté la date du 17 juillet, le ministère s’y tiendrait fermement et qu’il poserait au besoin la question de confiance pour amener la Chambre à s’y rallier. Ceux qui parlaient ainsi le connaissaient peu ; le gouvernement, en réalité, ne tenait pas beaucoup plus à une date qu’à une autre ; il ne tenait qu’à n’être pas renversé ; il était prêt à faire pour cela toutes les concessions qu’on voudrait. M. le général Picquart adonné de bonnes raisons pour justifier