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trop peu à notre avis, mais du moins y sont-ils ? M. le ministre de la Guerre a répondu à M. Ribot que nous en avions 4 000 : il ne nous en manque que 7 500 ! Et les simples soldats ? Nous devions en avoir à peu près 10 000 : depuis l’application de la nouvelle loi, « le nombre en a triplé, a dit M. le général Picquart ; il a atteint près d’un millier. » Il a triplé, soit ; cela montre à quel point il était infime auparavant ; mais nous sommes encore très loin de compte. M. le ministre de la Guerre l’a reconnu ; il a annoncé le dépôt prochain d’un projet de loi qui accordera de nouveaux avantages aux rengagés et qui en augmentera la proportion obligatoire dans certaines armes. Nous souhaitons que ces mesures nouvelles soient efficaces ; mais en sera-t-il ainsi ? Aux causes matérielles qui rendent les rengagemens difficiles, causes que M. Ribot a énumérées, viennent s’ajouter des causes morales auxquelles il a fait allusion. « Oui, a-t-il dit, il y a des facteurs moraux dans une pareille question. Il est possible que la crise que traverse notre armée y soit pour quelque chose. Il est possible aussi que l’esprit militaire subisse dans ce pays une éclipse de plus ou moins longue durée. » Où M. Ribot dit qu’il est possible, nous dirons qu’il est certain. Ce n’est pas impunément qu’on prêche à un pays l’antipatriotisme et le mépris des vertus militaires : de cette propagande criminelle il reste toujours quelque chose. L’armée, pour se recruter par des rengagemens libres, a besoin d’être considérée, respectée, aimée, de sentir enfin autour d’elle une atmosphère de sympathie. On offre aux rengagés des avantages dans la vie civile, c’est-à-dire des places : l’attrait de ce genre de promesses a beau chez nous être très vif, il ne suffit pas, on ne le voit que trop, à nous donner les 63 000 sous-officiers, caporaux et soldats dont nous avons besoin. La question de M. Ribot a été utile : elle le sera encore plus dans quelque temps et devra être renouvelée. Les rengagemens augmentent avec lenteur, a déclaré M. le ministre de la Guerre, mais ils augmentent. Nous serons bien aise d’en constater la croissance, car ils sont pour le moment inférieurs à peu près de moitié à ce que la loi de 1905 avait prévu.


Nous avons eu encore une grève, et les conséquences en auraient été très graves si elle s’était prolongée : celle des inscrits maritimes. Elle a éclaté comme toujours subitement, sans avertissement préalable, alors que tout aurait dû faire espérer que les inscrits maritimes savaient gré au gouvernement de l’initiative qu’il venait de prendre en leur faveur. M. le ministre de la Marine avait, en effet, déposé un projet