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de loi pour élever le chiffre de leurs retraites dans une proportion considérable : le croirait-on ? C’est là ce qui a déchaîné la grève. Nous négligerons les détails et donnerons des chiffres simples. Les pensions auxquelles les inscrits maritimes ont actuellement droit à l’âge de cinquante ans sont de 204 francs ; le projet ministériel les élevait à 360 ; les inscrits en exigeaient 600, sous prétexte qu’un député de la Seine-Inférieure, M. Siegfried, avait libéralement inscrit ce chiffre dans un projet dont il était l’auteur irresponsable. En fin de compte, les inscrits ont paru croire qu’on leur donnerait 400 francs, et ils ont mis fin à la grève. Leur a-t-on vraiment fait espérer ces 400 francs ? Nous n’en savons rien ; en tout cas, on ne l’a pas fait publiquement. Quoi qu’il en soit, les inscrits, au bout de quatre ou cinq jours de grève, après avoir causé une grande gêne au commerce national et avoir fait subir de grandes pertes aux compagnies de navigation qui, n’étant pour rien dans l’affaire, n’en ont pas moins été les premières victimes, les inscrits, disons-nous, se sont aperçus que l’opinion commençait à gronder contre eux. Ils sont remontés sur leurs navires. Nous ne leur conseillons pas de les déserter de nouveau : on pourrait alors se poser un certain nombre de questions et y faire des réponses qui ne tourneraient pas à leur profit.

On a discuté beaucoup, ces derniers temps, pour savoir si les fonctionnaires avaient le droit de se mettre en grève, et le gouvernement s’est prononcé avec quelque fermeté pour la négative. La même question se pose pour les inscrits maritimes, soit à cause des avantages qui leur sont assurés, soit à cause des grands intérêts dont ils ont la charge. Mais, dira-t-on, qu’ils aient ou non le droit de se mettre en grève, comment les empêcher de le faire s’ils le jugent à propos ? N’est-ce pas un fait contre lequel on est désarmé ? Soit ; mais pour mettre les inscrits plus à l’aise, et faire d’eux des travailleurs ordinaires puisqu’ils se conduisent comme tels, ne pourrait-on pas supprimer l’inscription ? Beaucoup de gens pensent qu’aujourd’hui elle ne sert plus à rien, et qu’après les transformations que notre marine a subies, elle ne lui rend plus les services qui ont justifié autrefois les avantages dont elle continue de jouir. L’utilité de l’inscription est des plus contestables, ou, pour mieux dire, elle n’est plus qu’un préjugé. Ce n’est pas là une opinion qui nous soit personnelle : à plusieurs reprises, des projets de loi ont été préparés pour supprimer l’inscription maritime ; tout le monde semblait d’accord pour y procéder ; les conseils compétens avaient donné un avis favorable ; mais le gouvernement a toujours reculé. Pourquoi ? Est-ce par préoccupa-