Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

A l’automne de 1837, les catholiques de Cologne, atterrés par l’emprisonnement de leur archevêque, négligèrent sans doute le spectacle assez rare d’un jeune homme de vingt-trois ans, survenant au gymnase parmi les écoliers, pour se frotter aussi, lui, d’un peu de latin. Il s’appelait Adolphe Kolping, et, la veille encore, était compagnon cordonnier, si diligent et si pieux, que son patron le voulait pour gendre ; et dans l’échoppe toute la famille versa des larmes lorsque Kolping, pleurant lui-même, mais parfaitement résolu, s’en retourna près de son curé lui dire qu’il désirait se faire prêtre. Ne sutor ultra crepidam, prononça le curé : les premiers mots latins qu’apprit le pauvre cordonnier lui fermaient le rudiment et le séminaire. Heureusement pour lui, un vicaire se rencontra, moins effrayé des ascensions sociales ; Kolping encouragé put consacrer aux déclinaisons la vingt-quatrième année de sa vie. Il précipita les étapes ; en 1841, il s’en fut, aux frais d’une dame pieuse, étudier à l’université de Munich ; ordonné prêtre en 1845, il devenait, tout de suite, vicaire à Elberfeld. Là, dans une boutique d’abord, et puis dans le local d’une société de secours, quelques jeunes compagnons, chaque dimanche, se réunissaient devant un broc de bière pour chanter la Vierge et saint Laurent, patron de la ville ; un brave instituteur, Breuer, songeait à développer la confrérie. Breuer vit Kolping, lui soumit les statuts d’une association de compagnons, où ces jeunes gens trouveraient des livres, des conférences, un enseignement primaire solide. Le vicaire s’éprit du projet ; en novembre 1846 le premier Gesellenverein était fondé. Kolping en 1847 en devint président ; en 1849, il publiait une brochure intitulée : « Le Gesellenverein : encouragement pour ceux qui ont à cœur le vrai bien du peuple ; » il y décrivait la vie nomade des compagnons, les périls qu’ils couraient ; il y montrait comment leur abandon les prédestinait à des sottises et combien il était inique de les condamner au lieu de les aider ; il faisait ressortir l’importance de cette classe sociale.

« Il ne s’agit pas ici, déclarait-il, de l’importance que lui attachent nos démagogues jaloux de se hisser sur l’obélisque de la gloire. Non, c’est en un tout autre sens que je parle. La classe des compagnons forme la vaste assise du peuple, sur elle repose le bien-être de la société civile. » Et Kolping réclamait pour ces jeunes gens une direction morale, un domicile, des divertissemens, une culture professionnelle, une instruction religieuse,