Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des « originaux » et, qui sait ? des « monomanes. » Cette fois, il semble bien que l’idée, comme on dit, « fût dans l’air, » puisque tel et tel, qui ne sont pas, eux, des « théoriciens, » l’avaient recueillie et condensée. On commençait sans doute à soupçonner que la fameuse boutade de Carlyle sur « les grandes pétaudières nationales » que sont fatalement les assemblées trop nombreuses s’appliquait au moins aussi bien à notre Chambre des députés qu’à la Chambre anglaise des communes, et qu’une des manières, — la plus simple, et peut-être la plus efficace, — d’atténuer l’ « incohérence » de notre vie parlementaire serait de nous retrancher chirurgicalement cent ou deux cents représentans. Avant le 22 novembre, toutes les raisons, — moins une, — qu’il pouvait y avoir de réduire le nombre des députés existaient déjà, bien que n’étant pas aperçues de tout le monde. La dernière, en s’y ajoutant le 22 novembre, les rendit évidentes, jusqu’à crever brutalement les yeux qu’on eût voulu garder toujours fermés.


II

Mais la nécessité de réduire le nombre des députés emporte la nécessité de remplacer le scrutin d’arrondissement par le scrutin de liste. Avec le scrutin d’arrondissement, en effet, quelles seront les victimes expiatoires ; sur qui faire tomber le couteau ; le moyen d’arriver à la réduction souhaitée ? Je ne dis pas qu’il n’y en ait aucun moyen, et quand ce ne serait que le sort ; mais je dis que tous les moyens qu’on en aurait seraient plus ou moins empiriques, arbitraires, chargés ou susceptibles d’iniquité. Puisque la loi à laquelle nous devons une Chambre de 591 députés veut qu’il y ait un député au moins par arrondissement, quelle qu’en soit la population, et un de plus pour 100 000 ou fraction de 100 000 habitans en plus, il n’y a qu’un moyen d’en avoir moins de 591 : c’est d’effacer l’arrondissement de notre législation électorale, et, à sa place, n’ayant pas mieux, de prendre pour cellule ou pour cadre le département.

Premier point ; mais encore faut-il, le département pris pour cadre, déterminer le chiffre qui donnera droit à un député. Après une longue discussion, la Commission du suffrage universel s’est arrêtée à cette rédaction : « Chaque département élit autant de députés qu’il a de fois 75 000 habitans. Toute fraction supérieure à 25 000 habitans est comptée pour le chiffre