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UN
GRAND ARBITRAGE NATIONAL

LE GOUVERNEMENT CONSULAIRE

C’était vraiment une bien pitoyable malade que la France de 1799. Fallait-il être assez poète, — et vivre cinquante ans après, — pour estimer « qu’elle était belle sous le soleil de messidor ! » M. Albert Vandal qui, depuis tant d’années, mène sa patiente enquête à travers les documens, nous avait, en des pages maintenant célèbres, montré la malheureuse nation sombrant, après dix années d’effroyable crise, dans une anarchie sans précédent sous un gouvernement tout à la fois tyrannique et faible. Déchirée par les factions, entamée par la guerre civile, alors que sans cesse l’Europe menace ses frontières, inondée hier de sang, aujourd’hui énervée par les excès, la pauvre France vraiment paye bien cher le mouvement de fièvre formidable qui, de 1789 à 1795, l’a dressée contre ses maîtres d’hier, puis contre « les tyrans de l’Europe. » Tout en repoussant les tyrans, elle s’en est donné, despotes sublimes et méprisables. Tenue par eux en une dure servitude, matériellement ruinée, moralement déprimée, elle semble s’abîmer en un gouffre sans fond. En vain les consciences cruellement meurtries s’unissent en une sourde plainte aux intérêts lésés ; nul, au gouvernement, ne semble entendre la voix ni des uns ni des autres. Avec ses directeurs, sceptiques ou sectaires, ses ministres médiocres ou avilis, ses assemblées sans autorité, sans foi, sans règle, et ses agens sans