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un merle ; » et si, un instant, Bonaparte songe à prendre contre les Autrichiens le commandement de l’armée d’Allemagne, il reculera finalement devant un froncement de sourcils de Moreau appuyé par ses lieutenans. Là encore il faut négocier, transiger, conclure des accords. Cette main si nerveuse, si musclée de Bonaparte, ce bras qu’en 1815 il appellera « le vieux bras de l’Empereur, » il faut qu’ils s’assouplissent. Un tact parfait doit être apporté au maniement de ces soldats comme tout à l’heure à celui des chefs de partis. D’ailleurs, comme hier les politiciens agités, mués en administrateurs appliqués, les généraux politiques vont trouver leur emploi, renvoyés à leur métier qui est de se battre. Tout de même, c’est une difficulté de plus que « de faire admettre aux soldats qu’on s’est servi d’eux pour inaugurer une légalité civile fortement réglementée et que le 18 brumaire a eu pour objet de clore militairement la série des coups d’Etat. » Là encore l’arbitre imposera par une fermeté tempérée de diplomatie son jugement et le fera respecter. Napoléon se vantera un jour à bon droit d’avoir su maintenir un pouvoir purement civil au centre d’un Empire entièrement militaire.

Un grand litige enfin reste pendant. Cela est bien que ceux mêmes qui, depuis dix ans, dans les assemblées, travaillaient à la discorde, collaborent aujourd’hui dans les ministères et les préfectures à la concorde nationale ; cela est bien d’avoir fait rentrer dans l’ordre les militaires qui, pour avoir trop longtemps subi le dur joug des politiciens, menaçaient de prendre aux dépens de l’Etat une rude revanche ; cela est bien de fondre, par la confection des premières lois du Code, l’ancien et le nouveau droit, de protéger d’une part contre les revendications troublantes la nouvelle propriété, mais d’autre part de refonder la famille ébranlée et près de se dissoudre ; cela est bien de régler le sort des créanciers, de l’Etat et, après avoir soigneusement révisé leurs créances, d’avoir fait droit aux réclamations des pensionnés iniquement traités. Mais il y a, au-dessus des querelles politiques, au-dessus des conflits sociaux, au-dessus des litiges financiers, un grand procès à régler : le procès religieux.

Dans les derniers mois du Directoire, un commissaire, celui du Nord, avait écrit avec une franchise crue : « Rendez les piètres, les crucifix, les cloches et surtout ceux qui vivent de ces