Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/469

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Resterait à se demander s’il y a vraiment des motifs quelque peu sérieux, non pas certes pour attribuer définitivement à Corrège la vingtaine de tableaux en question, mais pour supposer que le jeune peintre ait pu les produire. Étant donné que, en 1514, Corrège entendait son art de la façon que nous révèle sa Vierge avec saint François, peut-il avoir employé les deux ou trois années précédentes à s’essayer dans des œuvres comme la Vierge des Offices, la Sainte Famille de Pavie, le Faune de Munich, ou l’Adoration des mages du musée Brera ? Pour ces deux derniers tableaux, et aussi pour la Vierge des Offices, la réponse me paraît aussi aisée que catégorique : la Vierge et l’Adoration des mages n’ont rien de commun ni avec l’esprit de Corrège, ni avec sa facture ; et le Faune de Munich atteste une possession de tous les secrets de l’art vénitien que Corrège, s’il l’avait eue, n’aurait point manqué de nous faire voir, à un égal degré, dans ses œuvres suivantes. Mais, à côté de ces peintures, dont l’attribution à Corrège restera toujours un mystère pour moi, le groupe des prétendues « œuvres de jeunesse » du maître, tel que nous le présente le recueil de M. Gronau, contient un petit nombre de pièces qui semblent en effet provenir d’un même peintre, et au sujet desquelles la réponse est plus difficile : ce sont, notamment, une Sainte Famille avec sainte Catherine dans une collection viennoise, la Sainte Famille de Pavie et une autre au Musée Municipal de Milan, une Nativité dans une collection milanaise, une Vierge avec sainte Elisabeth au musée de Sigmaringen. Toutes ces peintures joignent à l’imitation manifeste de Mantegna un charme d’expression et de lumière qui n’est pas sans rappeler le génie de Corrège : malheureusement, leur dessin est presque toujours d’une incorrection si frappante que l’on ne comprend pas que Corrège, s’il les a peintes à la veille de sa Vierge de Dresde, se soit aussi brusquement délivré de ses défauts de jeunesse. L’imitation servile de Mantegna, elle aussi, sous la forme qu’elle revêt dans ce petit groupe de tableaux, ne se retrouve point dans l’œuvre authentique du maître : et vainement on prétendra la découvrir, par exemple, dans le geste de la Vierge avec saint François, ou dans l’encadrement des putti de la Chambre de Saint-Paul : jamais plus nous ne surprendrons Corrège, comme dans la plupart des tableaux susdits, empruntant à Mantegna des figures entières.

Pourquoi ne pas supposer plutôt qu’il s’agit là d’œuvres d’un