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la journée, la loi bien connue qu’en hiver la dépression du baromètre est suivie d’une hausse de la température, le contraire ayant lieu dans la saison chaude, se dégage vite de cet examen. Ce mode perfectionné de figuration se retrouve, d’ailleurs, dans notre notation musicale ; qu’est-elle, en somme, presque toujours, sinon une ingénieuse superposition de graphiques ? Rousseau, on s’en souvient, avait eu la pensée d’y substituer des chiffres. Combien Rameau eut raison de lui dire : « Vos chiffres sont bons à certains égards ; mais ils sont mauvais en ce qu’ils exigent une opération de l’esprit qui ne peut toujours suivre la rapidité de l’exécution, tandis que la position de nos notes sur la portée musicale se peint à l’œil sans le concours de cette opération. Si, par exemple, deux notes, l’une très haute, l’autre très basse, sont jointes par une tirade de notes intermédiaires, je vois du premier coup le progrès de l’une à l’autre, par degrés conjoints ; mais pour m’assurer chez vous de cette tirade, il faut nécessairement que j’épelle tous vos chiffres l’un après l’autre ; le coup d’œil ne peut servir à rien ! » On ne pouvait, pour l’époque (1742), faire un plus judicieux éloge de la méthode graphique. Nul ne pouvait prévoir, alors, qu’un siècle plus tard elle deviendrait une véritable langue, universellement comprise et possédant sur les langues ordinaires l’immense avantage d’être à peu près immuable, parce qu’en somme ses bases n’ont presque rien de conventionnel.

Que si l’on demande maintenant pourquoi la méthode graphique a mis un aussi longtemps, quoique ses principes fussent établis depuis Guy d’Arezzo, à pénétrer dans les sciences expérimentales, il nous semble qu’on peut répondre à cette question comme il suit : d’abord, ce n’est guère que depuis la Révolution que les sciences physiques et naturelles ont pris leur plein essor ; ensuite, ce n’est que graduellement, et avec peine, que l’avantage d’y introduire les procédés usités par les mathématiciens a été compris. Une troisième raison peut encore être invoquée : figurons-nous une courbe qui, destinée à faire connaître les fluctuations d’une valeur de Bourse, se bornerait à nous indiquer sa valeur moyenne, jour par jour ; une pareille représentation serait, on nous l’accordera, à peu près illusoire, car, en Bourse, les sautes brusques d’une valeur, surtout si elle est spéculative, peuvent prendre une importance des plus considérables. Lorsque, pour figurer un mouvement quelconque,