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courte phrase, il arriva, en projetant ces 24 images, à une si parfaite reproduction des expressions et des mouvemens de la bouche, que des sourds-muets, accoutumés à lire la parole sur les lèvres, comprirent aussitôt la phrase de l’orateur chronophotographié. Aussi, est-ce avec un véritable enthousiasme que ces premiers essais, hors laboratoire, de projection animée, furent accueillis : le zootrope Demeny fut une des grandes curiosités de l’Exposition de photographie de 1892 ; une avalanche de barnums et de forains, rien que pour avoir le droit d’exhiber la seule photographie vivante qui existât à cette époque, en proposèrent la location à des prix considérables. Mais, quel que fût le degré de perfection du zootrope ainsi transformé, si précis que fussent les résultats, puisqu’on opérait non avec des dessins, mais avec des photographies, si étonnante que fût l’illusion de vie que donnait l’image sur l’écran où on la projetait, l’insuffisance de l’éclairement, — on en verra plus loin la cause, — rendait impossible les projections demandes dimensions. Quant à reproduire des actes de longue durée, il n’y fallait pas songer ; c’est, évidemment, non pas impossible, comme le prétendait M. Marey, mais tout au moins fort difficile, car, en principe, la rotation complète de l’appareil ne peut que répéter l’effet produit par la rotation précédente, et le diamètre des cylindres sur lesquels on peut produire les images a nécessairement une limite.

La solution qui s’imposait ne pouvait donc être que celle récemment adoptée par M. Marey pour la chronophotographie. Une bande chargée des photographies obtenues passe au foyer d’une lentille servant d’objectif ; cette bande qui, par sa nature, doit être aussi translucide et, par conséquent, aussi mince que possible, est fortement éclairée par derrière ; les images peuvent alors être projetées en vraie grandeur : il suffit de placer un écran à la distance même où se trouvait l’objet chronophotographie. Chaque fois qu’un obturateur mobile, de forme convenable, ouvre l’objectif, c’est-à-dire laisse passer la lumière, une image apparaît, et si la succession de ces images s’opère comme il a été indiqué, si, de plus, dans le même temps, leur nombre est égal à celui des images chronophotographiées, le phénomène analysé est reconstitué aussi exactement qu’on peut le souhaiter. Voilà tout le cinématographe qui, on le voit, n’est qu’un chronophotographe renversé.