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facile, car, pour analyser simultanément les deux phénomènes, visuel et sonore, et en reproduire une synthèse parfaite, il fallait combiner la marche des appareils de telle sorte qu’elle fût non seulement isochrone, c’est-à-dire que, sur chaque appareil, les deux phénomènes se produisissent dans des temps égaux, mais encore qu’elle fût synchrone, autrement dit que les mouvemens isochrones commençassent et finissent dans le même temps. C’est ce résultat, cependant, qu’il y a quatre ans, M. L. Gaumont a su obtenir et cela, tout simplement, à l’aide de deux petites dynamos parcourues par le même courant : l’une actionne le phonographe, l’autre le cinématographe, et un différentiel permet d’accélérer ou de ralentir à volonté l’allure du cinématographe lui-même. Aussi, à l’heure actuelle, quand il nous plaît, le cinématographe parle et chante, hurle et gémit, et c’est, maintenant, au phonographe que nous nous adressons pour le prier de vouloir bien nous donner, enfin, ce qu’on attend de lui depuis si longtemps : moins de « friture, » et plus de vérité. Reconnaissons tout de même, pour être équitable, que si, au point de vue de la qualité, il a encore à se faire pardonner, comme sonorité, grâce à l’emploi des amplificateurs de sons fondés, les uns sur la détente de l’air, les autres sur la combustion des mélanges gazeux, il ne laisse plus rien à désirer. On le trouvait aphone ! Il suffit d’entrer dans une salle où marche un de ces nouveaux phonographes pour être plutôt tenté de lui adresser le reproche contraire : près du pavillon, la voix est couverte, quelle que soit la force avec laquelle on l’émet !

En somme, comme nous l’avons dit au début de cette étude, on ne cherchait que la représentation du mouvement, et, par la force des choses, c’est à la représentation de la vie, de toute la vie, que l’on va bientôt aboutir ! Quelques beaux esprits pourront rester froids en présence d’un résultat si stupéfiant. La foule, elle, prend la chose de façon différente : en fait de projections animées, elle compte d’instinct sur la science pour combler toutes les lacunes et, en attendant, elle admire tout et toujours ; et cette admiration continue, grandissante, que nous nous en voudrions de blâmer, peut seule nous expliquer la naissance et le développement considérable, depuis 1895, de l’industrie cinématographique. Il n’y a, pour s’en assurer, qu’à regarder autour de soi, dans Paris ou dans sa banlieue, à Joinville par exemple, où est installée l’usine