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générale et à la majorité des voix par leurs groupes respectifs[1]. Toutes les délibérations se prennent en commun.

Le syndicat parisien de l’Aiguille soutient les ouvrières de toutes façons, soit en procurant du travail, soit par un appui moral. À chacun des maux qui les frappent, il veut apporter un remède. — Les places sont limitées et les postulantes innombrables : l’Aiguille, par son bureau de placement gratuit, place chaque année environ 300 ouvrières. — La morte-saison amène les pires souffrances : l’Aiguille a une caisse de prêts gratuits, un atelier de chômage et la caisse des loyers. Fondée au capital de 10 000 francs au moyen de parts souscrites par les patronnes, de quelques dons et d’un legs de M. Worth, la caisse rend les plus grands services : elle a sauvé bien des vies de la honte et de la mort, en prêtant par an quelques milliers de francs toujours remboursés. L’atelier de chômage assure du travail à 300 syndiquées en moyenne, de décembre en février et de juillet à octobre, à raison de 0 fr. 20 à 0 fr. 30 l’heure, soit pour huit heures de 1 fr. 60 à 2 fr. 40. Depuis que l’atelier de chômage existe, les prêts de la caisse ont diminué, les ouvrières aimant mieux travailler qu’emprunter. Enfin, pour que, même en morte-saison, l’ouvrière puisse payer son terme, la caisse des loyers, où les sommes déposées bénéficient d’un intérêt de 2 pour 100, l’aide à épargner l’argent du logement. — L’ouvrière, qui vit seule dans Paris, se trouve exposée, plus que les autres, à de grands périls, si elle habite en garni. L’Aiguille a ouvert deux maisons de famille, l’une rue Boissy-d’Anglas, au 35, et l’autre rue d’Angoulême, au 91. Pour la somme modeste de 55 francs par mois, elle assure une nourriture saine, un logement salubre, et un réconfort continuel.

Dans le petit restaurant, dans la gargote, l’ouvrière court les plus graves dangers. « Il y a quelques années, raconte M. d’Haussonville, dans un des restaurans de Paris fréquentés par la société la plus élégante, certain garçon s’était créé une spécialité. À la sortie des ateliers de couture ou de mode, situés presque tous aux environs du boulevard, il remarquait les ouvrières les plus jolies, les suivait à la piste, s’informait de leur situation, et, quand il en rencontrait quelqu’une qui lui semblait d’abord facile, il lui proposait de la mettre en relation avec un riche

  1. Rapport de Mlle Cussonnier au premier congrès Jeanne d’Arc.