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I. — LE REGIME SCOLAIRE, LES MISSIONS ET LE PÉRIL PROTESTANT

Missionnaires et instituteurs sont d’accord pour déclarer que si l’enfant hova n’est guère débrouillard, il est plus éveillé et appliqué que l’enfant européen, plus souple et doué d’une incomparable mémoire, avide d’instruction. On a pu dire que s’il fallait souvent fouetter les gamins en France pour les forcer à aller à l’école, à Madagascar il faudrait plutôt les fouetter pour les empêcher d’y aller. Ils montrent parfois une précocité fébrile et on en voit tous les dangers dans le Boutou-Kely de M. Robert Dumeray que la Revue des Deux Mondes publia en 1895 : à les interroger dans les écoles, on discerne à quel point ces petits Hovas sont bien les rejetons d’une race affinée, vaniteuse, aristocratique parmi les autres, et exotique ; elle ne s’est ni acclimatée ni naturalisée, elle conserve l’état mental d’une race qui n’est point chez elle à Madagascar et pour qui la nature, l’extérieur reste nouveau et étrange, une perpétuelle curiosité, oisive mais fiévreuse, et cela est surtout sensible chez les enfans, qui grandissent dans un milieu que la conquête a rendu plus hétérogène. Leur esprit, trop divers et mobile, perçoit trop d’apparences en même temps : de là ce côté superficiel qu’on a tant remarqué, cette incapacité de rien approfondir, le défaut d’observation, bien qu’ils aiment à se rendre compte de tout ce qu’ils voient, l’absence de sens moral, voire de facultés morales ; cela même ouvre davantage leur curiosité, les rend plus susceptibles d’être frappés par les dehors brillans de la civilisation et de l’instruction, de les aimer, de s’en parer, avec une incomparable souplesse de mimétisme social. Le prestige de l’instituteur français est considérable, les galons d’instituteur indigène très recherchés, et les parens sont extrêmement fiers de la science de leurs enfans, autant que des dignités qu’elle leur assure.

Du temps de la Reine, l’école, qu’on appelait la corvée des enfans, était obligatoire, sous un contrôle militaire. Dans la suite, le Gouvernement général a apporté dans l’organisation administrative de renseignement à Madagascar un esprit non moins rigoureux en vue d’asseoir par lui la domination de l’État, recruteur d’impôts. Pour qu’elle lut absolue, il a été amené à réduire par une savante graduation les droits des Missions. L’argument principal invoqué contre elles par le Général fut que leur