Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/684

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’accord à reconnaître qu’il était indispensable de se servir des dialectes indigènes pour se faire comprendre des enfans ; mais il suffisait de leur parler malgache, et non de créer l’enseignement du hova écrit. Juste au moment où, selon les méthodes nouvelles, les langues européennes elles-mêmes s’apprennent par la conversation, il fallait simplifier les programmes coloniaux dans ce sens : d’abord supprimer tout enseignement écrit du hova, mauvais héritage des pasteurs anglais, et se servir dans chaque province de son dialecte pour donner aux enfans les notions indispensables, puis réduire au minimum l’enseignement écrit du français lui-même. C’est en revenant de son voyage aux colonies que Bernardin de Saint-Pierre a écrit : « Apprendre à parler par les règles de la grammaire, c’est apprendre à marcher par les lois de l’équilibre. C’est l’usage qui enseigne la grammaire d’une langue. » Plutôt que la grammaire française, il fallait d’abord répandre à Madagascar l’usage du français, suivant le système des Américains aux Philippines. Et n’y avait-il point à s’inspirer quelque peu de l’évolution libre, au cours du XIXe siècle, de nos paysans qui, pour la plupart, au début, ont appris à lire sans avoir eu le temps de s’appliquer même à l’écriture ? A notre sens, il n’y avait pas lieu de former à grands frais un corps d’instituteurs indigènes, le plus souvent désemparés, pour inculquer le hova et le français à tous les petits Malgaches : ils auraient dû se borner à être des sortes de contremaîtres élémentaires expliquant aux enfans par l’idiome le plus simple les leçons de choses nécessaires au développement économique de l’île que préparait le gouvernement : le français eût été répandu par des instituteurs français. On objecte qu’il y aurait fallu un personnel d’Européens trop coûteux : mais nulle obligation ne presse l’Etat de payer au minimum de 6 000 francs par an des jeunes gens sortis d’écoles métropolitaines spéciales ; les colonies voisines eussent fourni des brevetés à moitié prix.

En outre, le système actuel de Malgaches enseignant le français est particulièrement défectueux en ce que les deux ou trois inspecteurs de la colonie ont juste le temps d’inspecter et qu’il leur faudrait assister pendant des périodes de quelques semaines consécutives les maîtres indigènes, car ceux-ci oublient vite parmi leurs semblables ce qu’ils ont appris de notre langue par un programme chargé. Cette tâche exigerait donc au moins un personnel mobile d’agens français se déplaçant de village en