exemple trop rare dans les colonies françaises, a renforcé l’autorité de leurs doléances auprès des pouvoirs publics ; elles ont mis en commun certaines des obligations de leurs cahiers des charges, telles que la navigation fluviale ; elles ont assidûment procédé, — ce n’était pas une mince besogne, — à l’épuration et à l’éducation du personnel recruté au petit bonheur, dans la hâte des premiers jours. Celles qui ont survécu à leur crise infantile sont maintenant acclimatées ; elles ont judicieusement réparti leurs factoreries, et l’on aurait tort de croire, faisant état de cas isolés, qu’elles n’ont pas unanimement pris souci de nouer des rapports confians avec les indigènes ; elles n’en sont plus à l’idée de la razzia meurtrière, qui épuise un pays riche en quelques années ; elles ont mis leur domaine en coupe réglée, et l’on en citerait qui ont sagement décidé de limiter leur production annuelle de caoutchouc. Si les plus habiles touchent présentement des bénéfices très appréciables, elles les ont bien mérités.
Les difficultés de l’exploitation étaient, en effet, exceptionnelles, car l’Etat n’était pas encore prêt, lorsque les concessionnaires entrèrent en possession, à tenir les engagemens qu’il avait pris à leur égard. Il avait, dans les cahiers des charges, conservé par devers lui tous les droits régaliens, c’est-à-dire que les Compagnies ne pouvaient, par elles-mêmes, ni faire la police de leurs territoires, ni lever les impôts. L’indispensable main-d’œuvre des indigènes manquait à tous les chefs de comptoir qui n’avaient pas l’art de la découvrir et de l’attirer par leurs seules ressources ; l’administration n’était à peu près pas représentée dans l’intérieur et la contrainte armée était interdite aux concessionnaires ; il n’est donc pas téméraire d’affirmer que la pénétration pratique du Congo équatorial fut l’œuvre des initiatives particulières, toutes pacifiques, et qu’en cela le système des concessions a fort opportunément laissé libre aux audaces privées une carrière dans laquelle l’Etat eût été alors fort embarrassé de s’avancer tout seul.
Depuis la mort de Rabah, l’administration congolaise, autorisée enfin à s’occuper du Congo, a dû, elle aussi, se constituer de toutes pièces, et bâtir un édifice durable sous le réseau ténu des itinéraires de la conquête. Dotée d’un budget propre, elle a commencé à voir clair dans ses dépenses, et son premier souci a été de fonder solidement son équilibre financier.