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lui enlever et qui provient de biens dont la propriété lui fut officiellement reconnue, lors de l’annexion de Genève à la République française en 1798. Les biens dont il s’agit, réunis autrefois au fonds capital de la caisse hypothécaire, furent, par une disposition législative de 1886, « sortis dudit fonds et remis au consistoire sous forme de cédules inaliénables de cette caisse au montant de 800 000 francs. » La loi Fazy stipule qu’« une commission de on/e membres, dont six nommés par le consistoire et cinq par le conseil d’Etat, statuera sur le mode d’administration et sur l’attribution de ces cédules, ainsi que de tous autres biens gérés ou possédés par le consistoire et les conseils de paroisse. » Il n’y aurait pas là, évidemment, de quoi assurer à tout jamais l’entretien des pasteurs et le bon fonctionnement de l’Eglise, qui était inscrite au budget pour 133 700 francs. Mais c’est un fond de bourse, qui, avec les pensions viagères prévues par la loi Fazy, permet, comme on dit, de voir venir. Au surplus, la plus grande partie de la fortune publique dans le canton de Genève est entre les mains des protestans. La perspective, de ce côté, semble tout à fait rassurante.

Une autre justice à rendre à l’Eglise nationale, c’est qu’elle a reçu le coup avec dignité et qu’elle ne s’est point attardée à de vaines récriminations. Je ne sais pas si, victorieuse, elle aurait manifesté une égale sérénité. On prétend que beaucoup de nationaux avaient escompté l’échec de la loi Fazy au point de préparer pour le soir du référendum des réjouissances, des illuminations, voire des cortèges triomphaux où les cardinaux romains auraient figuré, vêtus de pourpre, pour être en fin de compte brûlés en effigie devant Saint-Pierre. J’admets volontiers que la basse plèbe seule se fût livrée à de tels excès, et il n’en faut retenir qu’une indication, à la vérité précieuse, sur la manière dont la masse protestante appréciait d’avance le résultat et la moralité du scrutin. Le vote de la loi, c’était, pour elle, le triomphe du papisme, c’est-à-dire quelque chose de monstrueusement invraisemblable. Il a fallu déchanter, et je suppose que même le bas peuple n’a pas tardé à apprécier plus justement les faits. Certes, les catholiques romains ont le droit de se féliciter d’un événement auquel ils ont largement contribué et qui peut leur apparaître, — je m’expliquerai plus loin à ce sujet, — comme une revanche ; mais, somme toute, Genève est toujours Genève, et dans Saint-Pierre la chaire de Calvin demeurera