Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce qui n’était certainement pas la meilleure manière de faire les affaires de l’Allemagne, ni de la France : toutes les deux ont plus ou moins souffert de cette abstention systématique. Le jour où on reprendra des propos si fâcheusement interrompus, le jour surtout où ces propos repris auront publiquement abouti à un arrangement quelconque, sur un objet quelconque, il y aura quelque chose de changé dans l’atmosphère politique de l’Europe : tout le monde y respirera mieux, plus librement, plus largement. Peu à peu le Maroc sera remis à sa place, qui est secondaire dans l’équilibre des intérêts généraux. Il cessera de peser indûment sur eux, et chacun reprendra alors la place à laquelle il a vraiment droit.

Mais nous en disons trop peut-être, et on pourrait, en songeant à un passé récent, nous accuser de nous abandonner à l’illusion. La politique allemande a déjà déçu trop souvent les espérances qu’elle nous avait données, pour qu’il nous soit permis d’attacher une importance décisive à une entrevue dont tout ce que nous savons est qu’elle a eu lieu et qu’on s’est séparé en bons termes. Mais enfin on s’est rapproché, on a causé, on s’est expliqué, plus qu’on ne l’avait fait depuis longtemps. Qu’il nous soit permis de voir là un symptôme heureux.



Malgré leur gravité et leur intérêt, nous dirons peu de chose des congrès socialistes de Nancy et de Stuttgart, une étude spéciale devant leur être consacrée dans le prochain numéro de la Revue. Il faut toutefois en indiquer dès maintenant le caractère. Nos socialistes ont reçu dans le second de ces congrès une leçon dont ils ne se souviendront pas longtemps sans doute, mais dont nous nous souviendrons pour eux.

Les socialistes aiment autant à se comparer aux premiers chrétiens qu’à se distinguer de ceux de maintenant. M. Vandervelde a fait à nouveau cette comparaison à Stuttgart, en affirmant que le socialisme avait aujourd’hui… beaucoup de martyrs. Ce n’est pas sur ce point que la ressemblance nous frappe ; mais les socialistes contemporains, comme les chrétiens d’autrefois, ont des conciles régionaux et des conciles œcuméniques où ils s’efforcent de dogmatiser leurs principes et d’établir leurs méthodes d’action. Les conciles régionaux servent naturellement à préparer les autres : celui de Nancy, par exemple, a préparé, au point de vue français, celui de Stuttgart. Mais il y a bien mal réussi ! Nos socialistes ont conservé à un degré rare un vieux défaut national, qui consiste à ne voir qu’eux-mêmes, à ne tenir aucun compte du reste du monde, à adopter un axiome plus ou moins a priori