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qu’ils leur permettent de se vêtir, de passer leurs culottes, ils les transportent sur une charrette, qui les attendait.

Argoulets de La Morlière et commis des Fermes se conduisirent au château de Rochefort comme des sauvages. Ils se jettent dans la chambre du fermier Perrety qu’ils accablent de coups. Ils le frappent sur la tête avec un bâton et lui bourrent la poitrine et les reins de coups de crosse. Perrety en a un œil poché et le sang lui coule de la tête. C’est à peine si sa femme, Jeanne-Marguerite, a eu le temps de passer un jupon. Elle paraît n’ayant sur la poitrine que sa chemise, les bras nus, les cheveux défaits. L’un des argoulets lui arrache du cou une petite croix, attachée à sa chaîne d’or, qui valait trente-six livres. La pauvre femme en a la nuque marquée d’une ligne sanglante. Un autre lui passe les mains sous son jupon pour lui ôter des jambes ses jarretières « neuves, » « du prix de vingt-quatre sols. » Un troisième lui enlève des pieds ses petits souliers de cuir à boucles d’argent, et un autre lui retire de la gorge son mouchoir d’indienne. Les gâpians, qui ont saisi Jeanne-Marguerite, la tournent et retournent ; ils lui prennent dans la poche de son jupon deux écus de France. La jeune femme proteste, crie, se débat. En manière de caresse, les soldats lui appliquent rudement leurs mains sur les épaules, sur la gorge nue, sur la figure. De sa chambre on enlève tout l’argent qu’elle possédait, une centaine de louis d’or qu’elle avait serrés sous son prie-Dieu de bois-noyer ; on vole au fermier la somme qu’il avait mise en réserve pour deux termes de son bail, quarante-sept louis d’or, au dernier coin de France, et un petit sac à procès rempli de « louis effectifs, » que Mandrin lui avait confiés. Sur place le capitaine de Larre répartit cet argent entre ses hommes. Et comme le malheureux Perrety protestait, le capitaine de Larre commanda de lui tirer un coup de fusil, qui le manqua heureusement ; mais la frayeur que le pauvre homme en éprouva le fit du moins tenir tranquille. La servante, Anne Demeure, fut pillée, elle aussi, fouillée sans ménagement. Les gâpians s’amusent.

Ce qui ne se laisse pas emporter est saccagé et détruit. Toutes les armoires sont enfoncées, les coffres fracassés, les bahuts brisés, les huches éventrées. Les serrures sont mises en pièces à coups de talon de crosse. Au fermier on prend tous ses effets, justaucorps, culottes de drap et culottes de finette, culottes doublées de peau, guêtres, bas de coton, souliers,