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— Dors ! dors ! mon vieux !

« Regard fit cela par vengeance, diront les témoins, parce que Sales avait donné un coup de pied à l’un de ses frères, il y a trois ans. »

On a vu comment Mandrin avait tué Je brigadier Moret en mémoire de son frère livré au bourreau ; le motif de son acte de vengeance avait été plus sérieux et du moins n’avait-il pas dansé autour du cadavre.

Antoine Guinet, dit Campillon, charpentier, est blessé d’un autre coup de feu, qui lui traverse le bras ; François Perret, tranquillement assis à son huis, est percé d’une baïonnette.

Nombre de braves gens se réfugièrent dans l’église, croyant y trouver abri. Mais les soldats s’y précipitent avec violence. Ce ne sont que coups de crosse et de plat de sabre ; les femmes sont frappées à coups de pied. Le sang se répand sur les dalles blanches. Un bourrelier, du nom de Ginard, est arraché du banc de la communion et traîné par les cheveux jusqu’aux portes de l’église où il est assassiné, cependant que d’autres « La Morlière » se rendaient à la maison où demeuraient Pierre Tourant et François Gaussin, son beau-fils, deux contrebandiers, que l’on surnommait « Nîmes, » du lieu d’origine de Pierre Tourant. Gaussin était dans son lit, malade. Deux pointes de baïonnette le firent se lever. Les deux Nîmes sont saisis, garrottés et adjoints à Mandrin, à Saint-Pierre et à Claude Planche sur la charrette. Nous sommes toujours en territoire italien. Argoulets et gâpians poursuivent leur route par Saint-Genix-d’Aoste, pillant au passage les magasins. Aux hommes qu’ils rencontraient, ils enlevaient leurs chapeaux de dessus la tête, aux femmes ils arrachaient les affiquets dont elles s’étaient parées pour le dimanche ; ils tiraient aux bonnes gens leurs bourses de dedans leurs poches. Ils dévalisèrent le magasin d’un marchand de comestibles et celui d’un chirurgien. Marguerite Verd, âgée de vingt-deux ans, raconte le pillage de la boutique de son père :

« C’étaient des soldats de La Morlière. Ils s’étaient déguisés, s’étant presque tous noirci le visage afin de n’être pas reconnus, quelques-uns s’étant mis des gazes sur la figure. Après que tout fut volé, l’un de cette troupe, ayant une veste rouge et un habit gris-blanc, bien frisé et poudré et ayant l’air d’un officier, que je ne connais pas, étant à la porte de la boutique, dit à ces pillards :