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les plus matinales, les plus pures ou les plus épurées, affleurent dans l’âme du poète.

C’est le tréfonds de son cœur qu’il nous livre. Et c’est aussi bien une époque de sa vie intellectuelle et sentimentale qui s’achève. Dans les lettrée qu’on vient de lire, on trouve le Lamartine de toujours, avec son impétuosité de caractère, sa sensibilité excessive, sa bonté, sa délicatesse, sa libéralité, et aussi le Lamartine d’une période désormais terminée. En relisant ses vers pour en corriger les épreuves, Lamartine n’en fut guère content. Il n’y retrouvait plus l’émotion que quelques-uns lui avaient apportée quand il les écrivait. Ce n’était pas seulement cette désillusion qu’éprouve tout artiste en comparant son œuvre au modèle idéal qu’il portait en lui. Mais les Harmonies lui étaient devenues presque lointaines. Les sentimens et les idées qu’il avait mis dans son livre s’affaiblissaient en lui. Il se dégoûtait de la poésie, où il ne voyait plus qu’un enfantillage. Il se détachait du christianisme où sa pensée n’était plus à l’aise. Quelques faits hâtent cette rupture avec ce qui avait été jusqu’alors le tout de sa vie. La mort de sa mère — la plus grande douleur qu’il ait connue — fut pour lui un écroulement. La Révolution de 1830, qu’il avait prévue, et qui l’impressionna vivement, brisa les liens qui le rattachaient à tout un ensemble d’idées traditionnelles. Le Voyage en Orient va achever de le déraciner ; la mort de sa fille lui donnera un dernier coup. Sous toutes ces influences, un homme nouveau était en train de naître en lui.


RENE DOUMIC.