Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/375

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la plupart des autres assemblées politiques. Ce n’était en tout cas ni la patience, ni la faconde, ni le goût de parler, ni celui plus rare d’écouter qui ont fait défaut à ces assemblées russes. Une chose dont amis et adversaires ont été presque unanimes à les louer, c’est la façon dont les débats y ont été conduits par les présidens, M. Mouromtsef, M. Golovine. Tous deux, en des circonstances différentes, et avec des qualités comme avec des tempéramens divers, ont apporté à la direction de ces assemblées novices un art, une science, une autorité qui eussent fait honneur aux plus vieux parlementaires, et que les ministres et le Tsar lui-même se sont fait un devoir de reconnaître. En d’autres pays, en des États plus accoutumés aux injustices et aux violences de la tribune moderne, la haute prudence de pareils présidens eût pu réussir à prolonger la vie d’une assemblée. En Russie, où les discours les plus calmes de l’opposition modérée étaient volontiers taxés de factieux, le pouvoir était encore trop peu fait à la contradiction ou à la critique pour supporter longtemps les attaques passionnées et les défis quotidiens de révolutionnaires qui déclaraient eux-mêmes que, les jours de la Douma étant comptés, la tribune russe devait moins servir à préparer des lois qu’à hâter la révolution.

Comme la première, la deuxième Douma, par sa composition même, était en effet condamnée d’avance. En vain, le centre de l’assemblée, les constitutionnels démocrates, soutenus par les Polonais et les musulmans, s’efforçaient-ils d’écarter les questions irritantes, repoussant toutes les motions provocatrices d’extrême gauche ou d’extrême droite. Ils eurent beau y réussir à force de sagesse, de discipline, d’esprit politique, ils ne purent éviter à la deuxième Douma le sort de son aînée.

M. Stolypine lui-même ne semblait pas désespérer de cette Douma, si divisée, si mal recrutée qu’elle fût, si incapables de tout travail parlementaire que fussent la majorité de ses membres ; mais le premier ministre n’était pas le maître. Ses collègues, comme ses rivaux, se prononçaient ouvertement pour la dissolution ; à la Cour, on s’indignait qu’il ne profitât point de la discipline rétablie dans l’armée, et que, les troupes étant redevenues sûres, il tolérât plus longtemps que la tribune du palais de Tauride fût employée à exciter le peuple à la rébellion. En province, comme dans les capitales, les attentats terroristes persistaient ; à Tsarskoïé-Selo, la résidence impériale,