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la police affirmait avoir découvert, contre la vie du Tsar, un complot où étaient impliqués plusieurs députés. Cette découverte servit de prétexte à la fermeture de l’assemblée. A la procédure suivie, on eût pu croire que M. Stolypine et les adversaires de la dissolution eussent voulu se servir de ce complot pour obtenir de la Douma qu’elle s’épurât elle-même, ainsi que l’avait fait autrefois, chez nous, plus d’une de nos assemblées révolutionnaires. La Douma fut sommée, à l’improviste, d’accorder, sans discussion, au gouvernement l’arrestation immédiate de seize députés et l’expulsion d’une quarantaine d’autres. Les modérés du Centre, bien qu’adversaires des députés menacés, ne jugèrent pas de la dignité d’une assemblée législative de violer son règlement et les usages parlementaires en se soumettant à une injonction aussi insolite. La Douma nomma une commission pour examiner la valeur des accusations portées contre 55 de ses membres. Le ministère n’attendit ni la discussion, ni même le rapport de la Commission à la Chambre. Le lendemain, quand les membres de la Douma revinrent pour siéger, ils trouvèrent les portes de la Chambre fermées par les troupes, les avenues gardées par les Cosaques. Dans la nuit, les principaux députés inculpés de complot avaient été arrêtés par la police.

Si brusque qu’elle parût, cette deuxième dissolution n’était pas improvisée. Une chose y avait poussé plusieurs des conseillers du Tsar, l’exemple de deux États sur lesquels la Russie d’aujourd’hui semble disposée à prendre souvent modèle, la Prusse et le Japon. On répétait parmi les hauts dignitaires que, au Japon comme en Prusse, le gouvernement constitutionnel n’avait pu fonctionner régulièrement qu’après de multiples dissolutions, six ou sept de suite au Japon. Que pouvait faire de mieux le Tsar que d’imiter le Mikado ? Si la seconde Douma avait, malgré tout, vécu quelques semaines de plus que la première, c’est qu’en haut lieu, on sentait l’inutilité d’une dissolution, à moins qu’elle ne fût accompagnée d’un complet remaniement de la loi électorale. Personne, parmi les ministres, ne se faisait plus illusion sur ce point. Divisés sur d’autres questions, ils se montraient également persuadés que, à moins de changer le mode de suffrage, la troisième Douma, au lieu d’être plus docile que les deux autres, les dépasserait en radicalisme. L’unique moyen de prévenir le triomphe de l’opposition, peut-être même la victoire des révolutionnaires, était de restreindre le droit de