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été de les mettre sous scellés jusqu’au moment où nous aurions su à quoi nous en tenir sur les dispositions respectives des deux sultans à notre égard. Mais en agissant ainsi, on risquait, peut-être, de provoquer un soulèvement à Mazagan. On a découvert alors, oh ! combien opportunément ! que les fusils et les cartouches n’étaient pas faits les uns pour les autres et que ce n’étaient là qu’armes de pacotille, en foi de quoi on les a laissés à la disposition des agens de Moulaï-Hafid. Celui-ci aurait promis, paraît-il, de ne jamais les employer contre nous. Tout cela est bizarre. Mais enfin, nous pouvons dire que nous n’avons pas à prendre parti entre les deux sultans, que c’est à eux à se débrouiller, que nous n’avons aucune autorité à exercer à Mazagan, que si le vrai sultan n’en a pas lui-même assez pour s’emparer des armes qui lui appartiennent, c’est tant pis pour lui, et que c’est tant mieux pour l’autre, s’il en a assez pour se les faire livrer. Mais, nous le répétons, tout cela est singulier, et l’espèce de négociation qui a eu lieu entre nous et les agens de Moulaï-Hafid l’est peut-être encore plus que tout le reste.

Si nous tournons les yeux du côté de l’Europe, et notamment de l’Allemagne, les dispositions à notre égard nous y apparaissent dans le fond aussi correctes que le sont nos propres démarches ; mais nous ne pouvons pas dire qu’elles se manifestent toujours sous une forme très obligeante. La réponse du gouvernement allemand au memorandum que nous lui avons remis n’a certainement pas ce caractère. Elle nous reconnaît le droit de nous mouvoir dans les limites de l’Acte d’Algésiras, et elle ne dit pas que nous en soyons sortis. Le gouvernement impérial n’entend mettre aucune entrave à notre action. Toutefois, les désirs qu’il exprime pour l’avenir et les conseils qu’il donne ressemblent un peu à une critique du passé, critique qui paraît assez déplacée dans un document de ce genre. L’Allemagne d’autrefois n’a pas été aussi sévère pour l’Angleterre après le bombardement d’Alexandrie. Les opérations de ce genre, surtout lorsqu’elles sont brusquement imposées par les événemens, ne peuvent pas être réglées d’avance dans tous leurs détails, de manière que personne n’en souffre. Mais n’insistons pas. Le ton de la note allemande montre que le gouvernement impérial se croit obligé, tout comme un autre, de tenir compte de l’opinion de ses journaux, de ses coloniaux, de ses commerçans et de ses financiers. La question des indemnités dues aux commerçans allemands qui ont souffert du bombardement de Casablanca ou de ses suites est celle que les journaux traitent le plus volontiers : ils laissent entendre, sans le