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dire tout à fait, que ces indemnités doivent être payées par nous. Nous ne pensons pas qu’il y ait en Europe un gouvernement assez imprévoyant de ce qui peut, dans l’avenir, lui arriver à lui-même pour adopter une pareille thèse : elle serait, en tout cas, contraire à tous les précédons, et en particulier à ceux de l’Egypte après le bombardement d’Alexandrie dont nous avons parlé plus haut, et de la Chine après la répression du soulèvement xénophobe qui a mis en péril la sécurité de nos légations. Des indemnités ont été accordées aux étrangers lésés ; elles leur ont été versées, comme de juste, par le gouvernement égyptien et par le gouvernement chinois qui n’avaient pas eu la fermeté nécessaire pour empêcher les troubles. À Casablanca, le gouvernement marocain est seul responsable, pécuniairement aussi bien que politiquement, et tout ce que nous pouvons faire est de lui faciliter l’acquittement plus rapide de sa dette. Mais le principe est hors de doute : cette dette est la sienne, et non pas la nôtre. Quel que soit l’intérêt qu’il porte à ses négocians à Casablanca, le gouvernement allemand ne saurait méconnaître une règle qui est passée dans le droit des gens, et qu’il n’a pas moins d’intérêt que nous à respecter.

Ce ne sont là que de très légers nuages. La situation internationale continue de nous être favorable, et nous espérons bien qu’elle le demeurera jusqu’à la fin. Nous travaillons pour la civilisation, c’est-à-dire pour tout le monde. Quelques-uns de nos journaux se demandent même si, en cela, nous ne jouons pas un jeu de dupes, puisque nous prenons à notre charge la totalité d’un effort dont les autres profiteront autant que nous. L’observation serait judicieuse et vraie, si un autre effort, poursuivi depuis près de quatre-vingts ans, ne nous avait pas donné au nord de l’Afrique une situation d’où résultent pour nous des droits et des devoirs spéciaux. Nul n’est partisan plus sincère que nous de la souveraineté du sultan, quel que soit son nom. Nous ne pouvons pas substituer notre souveraineté à la sienne, et nous n’avons pas d’ailleurs le moindre intérêt à le faire. D’autre part, l’internationalisation du Maroc, qui pourrait convenir à tous les autres, serait pour nous seuls le pire des dangers.

Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.