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Komaroff pouvaient à tout instant surgir. L’anxiété subsistait dans les esprits, la confiance réciproque ne pouvait que difficilement exister entre les deux gouvernemens, et ce manque de quiétude avait pour eux de graves inconvéniens : il paralysait leur action diplomatique en Europe et les obligeait à entretenir de gros effectifs dans leurs territoires d’Asie. Soit sur le terrain diplomatique, soit sur le terrain militaire, les deux nations étaient gênées dans leur liberté d’action. C’est ainsi que la Russie avait dû, pendant la guerre russo-japonaise, retenir en Transcaucasie et dans la Transcaspienne des armées qui auraient été à leur vraie place dans les plaines de Mandchourie. D’autre part, le gouvernement anglo-indien, malgré les résultats de la guerre russo-japonaise et la conclusion du traité anglo-japonais du 12 août, s’était vu obligé d’élaborer un nouveau plan d’organisation et d’entraînement de l’armée des Indes. Le résultat devait en être d’augmenter les forces réparties sur la frontière du Nord-Ouest, sur l’Indus et à la frontière du Béloutchistan, et de rendre plus rapide la concentration sur ces points de toutes les forces anglo-indiennes.


III. — LE TRAITÉ ANGLO-RUSSE ET SA SIGNIFICATION

Du moment que l’expansion russe n’avait pas pour but nécessaire et défini la conquête de l’Inde, pas plus que la sécurité de l’Inde ne commandait la conquête du Turkestan russe, et, puisque leurs intérêts n’étaient pas tellement opposés que les deux États ne pussent vivre l’un à côté de l’autre au pied de l’Hindou-Kouch, il y avait lieu de se demander s’il n’était pas possible, autant qu’il était désirable, d’arriver entre Russes et Anglais à une entente. Beaucoup avaient fini par se déclarer en faveur de cette solution : elle comptait aussi en France de chauds partisans.

Les uns et les autres se disaient, non sans raison, que des difficultés aussi délicates, à coup sûr, que celles qui mettaient en opposition la Russie et l’Angleterre en Asie, avaient été dénouées au cours de ces dernières années, grâce à une bonne volonté et un esprit de concessions réciproques. Pourquoi un compromis du même genre n’interviendrait-il pas de même entre Londres et Saint-Pétersbourg ? Le rôle économique à jouer par les deux puissances en Perse était, il est vrai, la grosse difficulté