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musique, la comtesse mettait adroitement sur le tapis une question d’art ou de littérature suggérée par l’excursion du matin, et la discussion s’ouvrait et se prolongeait souvent fort tard dans la nuit. À cette joute de paroles prenaient part le prince Silvio Canterani, le vicomte Gérard, un commandeur, l’abbé dom Felipe, un jeune académicien, habitué de Compiègne et surnommé le Philosophe des Dames, et un Polonais que la comtesse appelait Bolski tout court, afin de n’avoir pas à prononcer un autre nom assez difficile. Dans le Polonais, qui apportait à ce concert d’esprits, tous latins, un accent particulier de mysticisme slave, on reconnaît Klaczko. Il parle de Dante et de Michel-Ange en connaisseur, en admirateur convaincu. Les Soirées Florentines sont pour lui le prétexte d’une étude approfondie sur le caractère et le génie de Dante. Il fait par ses interlocuteurs mettre Dante et Michel-Ange en parallèle et chercher à fixer les points qui leur sont communs. Quant à lui, il se sert de Michel-Ange pour expliquer Dante, pour le rendre plus clair, plus visible, plus tangible en quelque sorte. La première soirée est consacrée à Dante et à Michel-Ange ; la seconde, à Béatrix et à la poésie amoureuse ; la troisième, à Dante et au catholicisme, et la dernière à la tragédie de Dante et à sa destinée imprimée du sceau de la fatalité. Les pages sur Michel-Ange et son œuvre sont, on peut le dire, à la hauteur de ce colossal sujet. Celles qui redisent la passion de Dante pour Béatrix sont tout à fait charmantes. Klaczko nous démontre que les Italiens seuls comprennent bien l’amour, et Gérard, le jeune vicomte français, ne proteste pas. Il y consent même et rappelle à ce propos qu’une noble dame autrichienne, qui détestait pourtant les menées piémontaises, lui a fait cet audacieux aveu : « Et dire que tout cela ne parviendra pourtant jamais à me faire détester le pays de M. de Cavour et de Garibaldi ! C’est que, voyez-vous, ils sont adorables, ces Italiens ! Ils trouvent cela si naturel d’avoir peur et de faire l’amour ! »

On retrouvera l’écrivain politique dans les observations de Klaczko sur Dante croyant et penseur. « Ne faut-il pas chercher, dit-il, le secret de sa tragédie dans son idéal religieux et politique, dans sa manière de concevoir la cité de Dieu ou la cité humaine, et dans le démenti cruel que les générations contemporaines ont pu donner à cet idéal, à cette conception. » Et, se rappelant les politiciens cyniques, dont il avait si souvent dévoilé