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Rien ne peut accuser plus tristement les défaillances de la famille que les chutes précoces de l’enfant. Les chiffres officiels peuvent ici nous induire en erreur et nous laisser croire à une amélioration sérieuse ; car, ainsi qu’il a été expliqué, un très grand nombre d’enfans coupables ont été envoyés à l’Assistance et rayés des listes des jugés. Encore une fois, l’intention était très bonne[1] ; mais les infractions n’en restent pas moins. Or, les calculs du dernier compte général mettent en relief un fait… j’allais dire bien surprenant, en tout cas bien alarmant. À l’heure présente, l’âge relativement le plus chargé en matière criminelle est l’âge de seize à vingt et un ans. Sur dix mille habitans de même âge, les Français de plus de vingt et un ans donnent 2,7 accusés et 16,3 prévenus ; les jeunes Français de seize à vingt et un ans en donnent respectivement 3,7 et 18,8. Il n’y a qu’un genre de délit où les hommes faits dépassent, — comme il est naturel, — le groupe des jeunes, c’est le délit d’escroquerie. Partout ailleurs, le Compte de 1905 nous montre les jeunes fournissant[2] plus de recrues à l’armée du mal : dans les affaires de mœurs, 1,9 contre 1,7, — dans les vols simples, 291 contre 113, — dans les vols qualifiés 9,6 contre 2,3, — dans les incendies, 0,6 contre 0,4, — dans les abus de confiance, 16 contre 11, — dans les coups et blessures, 187 contre 114, — dans les homicides, 4 contre 2,2[3].

Évidemment, la source du mal est là, et cette source est comme les sources de la nature : si elle alimente, si elle grossit un cours d’eau, elle s’alimente elle-même de millions de gouttes qui lui arrivent par les lignes de moindre résistance.

Il est inutile de revenir sur la part que la dissolution ou le relâchement des liens de famille a dans la criminalité de la jeunesse. Mais puisque nous insistons particulièrement sur les révélations nouvelles, il sera bon de mettre en lumière ce que la statistique de 1905 nous apprend sur la contribution des différentes conditions d’état civil à la criminalité générale du pays.

  1. Sous condition de mesures bien comprises et d’une exécution irréprochable.
  2. Proportionnellement à leur nombre dans la population totale.
  3. Nous ne pouvons pas donner ici la comparaison des chiffres absolus de la criminalité des mineurs de seize à vingt et un ans en 1905 avec les chiffres absolus de cette même criminalité dans les années précédentes. La méthode de compter n’est plus la même. On dénombrait autrefois les jugemens : on dénombre aujourd’hui les infractions individuelles. Il n’y a que plus lieu de faire attention aux relations qu’on nous donne pour la première fois : elles devront servir de point de départ pour les comparaisons ultérieures.