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LA CONDITION SOCIALE
DES
PEINTRES FRANÇAIS DU XIIIe AU XVe SIÈCLE

Chaque révolution a ses réactionnaires ; c’est une loi générale et sociale que nous ne verrons pas rapporter ; elle fait partie du bagage de l’humanité. Quand le mouvement des communes permit aux artisans laïques de se former en corporations, les ouvriers de la sculpture et de la peinture durent rompre assez brutalement avec les erremens traditionnels des cloîtres, et se créer des ressources esthétiques sans le secours des moines. Leur attitude fut nettement révolutionnaire, en ce sens que, n’ayant ni les livres ni les modèles gréco-byzantins des monastères, ils s’ingénièrent à imiter les objets ou les êtres de leur entourage, pour en façonner des statues, des peintures, ou des histoires de manuscrits. Les tâtonnemens durèrent un bon demi-siècle, du règne de Philippe-Auguste à celui de saint Louis ; mais l’art nouveau connut ses protestataires. Guillaume Durand, qui fut évêque de Mende, à la fin du règne de Philippe le Hardi, déplore ces changemens. De même que Louis David eût souhaité représenter les personnages du sacre de Napoléon nus comme les vieux Grecs, Guillaume Durand regrette les Christs raides et secs du siècle précédent. « La représentation des scènes divines, s’écrie-t-il, est aujourd’hui livrée à la volonté de quiconque ! » Cette volonté, qui n’était point si blâmable, nous a donné le naturalisme, les admirables sculptures des porches de cathédrale, dans un temps où les Italiens en étaient à Cimabué, et où les Flamands n’existaient pas.